Ce mardi 30 janvier au matin, Le Monde et Radio France publient une enquête sur le traitement illégal de l’eau par de grands industriels de l’eau en bouteille. Des groupes comme Nestlé (Vittel, Contrex, Hépar, Perrier) ou Sources Alma (Cristaline, Saint-Yorre, etc..) sont accusés d’avoir filtré illégalement des eaux censées être déjà pures.
Marie Dupin et Stéphane Foucart sont les deux journalistes qui ont enquêté sur cette fraude. Interrogée par ID, Marie Dupin relate qu'une enquête a été ouverte par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) suite à un signalement d'un employé d'une usine du groupe Alma. Elle affirme que son investigation a ensuite mis en lumière les manquements du gouvernement et l'étendue de la fraude, qui concernerait au moins 30 % des marques d’eau en bouteille.
De son côté, Sources Alma, qui a contacté ID, se défend de toute accusation sanitaire, affirmant qu'aucune de ses eaux minérales ou de source n’est concernée par des problèmes bactériologiques. Il ajoute en outre que la marque Cristaline n’a jamais été visée par une quelconque enquête sur ce sujet.
Des méthodes frauduleuses et trompeuses
Les industriels sont accusés d'avoir utilisé des méthodes de purification d’eau non conformes à la réglementation en vigueur. En effet, les eaux minérales naturelles et les eaux de source sont supposées être extraites de nappes profondes. Cela garantit leur pureté naturelle avec pas ou peu de traitements additionnels.
En plus d'utiliser illégalement des produits de traitement de l’eau, l'enquête révèle que le groupe Nestlé cachait volontairement ces derniers lors des différentes inspections des Agences Régionales de Santé. Marie Dupin assure la bonne foi de celles-ci : "c’était un système très sophistiqué. Tout était caché derrière des armoires électriques, et les points de prélèvement se faisaient sur de l’eau déjà traitée, alors que les agents de contrôle pensaient prélever de l’eau brute, directement issue de la source."
Les réponses floues du gouvernement et de Nestlé
La journaliste confirme que le gouvernement, mis au courant à l’époque, n’avait alors pas saisi la justice comme le veut la procédure légale. Elle dévoile que depuis, Bercy est entré en contact avec les signataires de l'article au nom du gouvernement et a répondu à la plupart de leurs questions, mais ne s’est pas exprimé sur ce manquement.
Quant à Nestlé, le groupe reconnait - dans un article des Echos paru hier - avoir eu recours à des traitements interdits. Ce dernier s’est défendu en plaidant la difficulté à trouver une source d’eau totalement pure, à cause de la pollution environnante. Selon l’industriel, ces traitements étaient nécessaires pour assurer la sécurité de l'eau.
De son côté, Marie Dupin explique que cet "article mea culpa" intervient quelques jours après qu'elle ait envoyé les questions à Nestlé. Elle considère que cette déclaration "sortait un peu de nulle part" et évoque la possibilité que le groupe "ait voulu jouer la transparence, se sentant acculé".
Les risques sanitaires sont-ils exclus ?
Par ailleurs, le traitement de l'eau effectué de manière illégale par Nestlé n’est pas exempt de conséquences sanitaires. Marie Dupin révèle que "le gouvernement a répondu qu’aucun risque sanitaire lié à la qualité des eaux embouteillées n’a été identifié à ce stade mais que la mise en place des traitements non conformes pose la question de l’appellation 'd'eau minérale naturelle' ou 'd'eau de source'".
Néanmoins, elle explique sur France Info que l’Igas (Inspection générale des affaires sociales) n’est pas forcément de cet avis. L’organisme est à l’époque missionné par le gouvernement pour mener l’enquête auprès des industriels. Son rapport indique que "les traitements ne sont pas dangereux, mais la tromperie pourrait avoir des conséquences sanitaires". Marie Dupin continue : "il ne serait pas prudent de conclure à une parfaite maîtrise du risque sanitaire parce que la mise en place de ces filtres non conformes pourrait constituer une fausse sécurisation, ce qui pourrait exposer les consommateurs à un risque sanitaire en lien avec l’ingestion de virus."
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