Les chercheurs nancéens ont commencé à mener des tests en conditions semi-industrielles, après 5 ans de recherches sur la meilleure manière de "séparer les minéraux contenus dans les minerais".
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Environnement

Près de Nancy, recherche et industrie cherchent à valoriser le lithium

Comment extraire le lithium, indispensable à la transition énergétique, à partir des roches issues des gisements européens ? Dans une vaste usine pilote près de Nancy, des chercheurs planchent sur ce défi aussi technique que stratégique, pour réduire la dépendance de la France aux importations du précieux métal.

Dans ce gros bâtiment rouge de cinq étages et 2 000 m², la gravité est utilisée à chaque étape du processus de séparation des minerais : tout en haut, des sortes de petits cailloux entrent dans une machine. Et en bas, de la poudre blanche contenant du lithium, finement moulue, en ressort.

Au carrefour de la recherche et de l'industrie, cette "station expérimentale de valorisation des matières premières et des substances résiduaires" (Steval), créée il y a 60 ans, est présentée comme "unique en Europe" dans le monde académique.

Gérée par l'Université de Lorraine et le CNRS, elle réalise ponctuellement des tests pour les industriels, mais son activité principale est dédiée à la recherche et à l'enseignement. Elle sert de laboratoire et de lieu de travaux dirigés pour les étudiants et doctorants, mais aussi d'"usine pilote qui permet de tester la faisabilité de schémas de traitement à l'échelle semi-industrielle", explique à l'AFP Yann Foucaud, maître de conférences en génie minéral et responsable scientifique de l'installation.

Concrètement, après environ cinq années de recherches théoriques et en laboratoire sur la meilleure manière de "séparer les minéraux contenus dans les minerais", les chercheurs peuvent mener des tests en conditions semi-industrielles.

Après le concassage de la roche, le processus permet de séparer tous les minéraux qu'elle contient – comme le lithium, mais aussi le tantale, l'étain, le béryllium ou le feldspath –, et d'en produire une forme concentrée, et donc valorisable.

Mine de lithium en Auvergne

En mesurant la teneur en minéraux des échantillons, les scientifiques s'efforcent "d'avoir une idée de la faisabilité économique" des processus testés, note M. Foucaud.

Cette usine pilote travaille étroitement avec Imerys, une société française qui ambitionne d'exploiter à partir de 2028, et pendant 25 ans, une mine de lithium sur son site d'Échassières (Allier), où est déjà exploité du kaolin, qui permet de fabriquer la porcelaine. L'usine pourrait fournir la matière première nécessaire aux batteries de plus de 700 000 véhicules électriques par an, selon l'entreprise.

Imerys, qui se présente comme "leader mondial des spécialités minérales pour l'industrie", a confirmé à l'AFP souhaiter pouvoir donner un feu vert "avant l'été" pour la construction d'une première usine pilote de traitement du minerai de lithium dans l'Allier.

Impliqués dès le début de ce projet auvergnat, les chercheurs nancéiens ont développé un "procédé de valorisation du minerai" de Beauvoir, la carrière d'Échassières, explique à l'AFP Lev Filippov, professeur à l'École nationale supérieure de géologie de Nancy. Durant une semaine en avril, les tests se font à grande échelle, avec 200 à 300 kilos de roche auvergnate traités par heure.

Dans une Europe en "phase d'électrification globale, notamment des transports", l'enjeu de ces recherches est de répondre aux besoins croissants en lithium pour les usines de batteries, au sein d'une filière qui "se met en place en Europe", souligne le géologue Yann Foucaud.

Ces travaux s'inscrivent "en plein dans l'actualité", se réjouit de son côté Théodore Bastin, étudiant belge de 23 ans en première année de Master en ingénierie des ressources. Alors qu'actuellement, la France "importe de partout" le lithium dont elle a besoin, réfléchir à un approvisionnement plus indépendant donne au jeune homme "l'impression d'être aussi un petit peu au cœur de la géopolitique".

Avec AFP.