Le changement climatique génère davantage d'inondations.
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Face aux risques de crues et d'inondations, un gigantesque dispositif testé pour Paris et ses environs

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Le 15 janvier dernier, un gigantesque dispositif anti-crue a été testé en amont de Paris afin de protéger la capitale et les villes aux alentours contre les risques de crues et d'inondations. Un ouvrage hydraulique contesté par certains élus et associations environnementales qui illustre le défi de l’adaptation face à ces phénomènes naturels, amenés à s’accentuer sous l’effet du réchauffement climatique. 

"La mission est accomplie", s’est félicité Patrick Ollier, président de Seine Grands Lacs, établissement public territorial de bassin, le 15 janvier dernier. Ce jour-là avait lieu le remplissage du "casier pilote de la Seine Bassée" - un ouvrage hydraulique, situé à la confluence de la Seine et de l’Yonne, destiné à protéger des inondations les villes aux abords de la Seine, dont Paris.  

Réduire jusqu’à 15 cm le niveau de la Seine 

Fruit de deux ans et demi de travaux, et d’une dizaine d’années de réflexion, ce dispositif, qui a coûté 114 millions d’euros, est un espace de 360 hectares entouré d’une digue de 7,6 kilomètres.  

Celle-ci offre ainsi une capacité de stockage d’environ 10 millions de m³, soit l’équivalent de 4 000 piscines olympiques d’une profondeur de 2 mètres, ce qui doit permettre de "réduire jusqu’à 15 cm le niveau de la Seine et donc des inondations à l’aval grâce à un système de pompage", précise la Seine Grands Lacs dans un communiqué de presse, publié le 13 janvier dernier. 

De quoi amortir une partie des éventuels dommages. S’appuyant sur les chiffres de l’enquête publique, Emmanuelle Lucas, directrice de l’action territoriale et de l’hydrologie pour Seine Grands Lacs, précise à l’AFP que ces quelques centimètres peuvent "représenter 40 à 70 millions d’euros de dommages évitées". 

Ces arguments peinent toutefois à convaincre les réfractaires au projet, à commencer par les conseillers municipaux des communes aux alentours qui avaient voté contre sa réalisation en 2020. 

Un projet controversé  

"On est inquiet", surtout concernant "des risques d’inondation qu’il peut y avoir dans le village", mais "on n’a pas le choix", avait témoigné, quelques jours avant le test, auprès de l’AFP Stéphanie Banos, maire sans étiquette de Châtelay-sur-Seine (Seine-et-Marne). 

Du côté des défenseurs de l’environnement, les craintes portent plutôt sur l’impact d’un tel dispositif sur la biodiversité. "Le bouleversement qu’induit ce gigantesque chantier par rapport aux gains sur les crues est disproportionné", avait souligné à l’AFP Jean-François Dupont, coprésident de France Nature Environnement (FNE) Seine-et-Marne. 

Pour faire face aux risques de crues, l’association plaide davantage en faveur des solutions basées sur la nature.  

"Cela consiste à redonner aux cours d’eau et aux milieux humides leur fonctionnement naturel et à stopper l’artificialisation des zones encore naturelles, pour éviter de développer des activités humaines dans des zones à risque", note FNE dans un dossier publié le 20 janvier dernier sur son site

France, Hautes-Alpes, Vallouise, juin 2024.
©THIBAUT DURAND/Hans Lucas/Hans Lucas via AFP

Le défi de l’adaptation 

Plus concrètement, dans les zones urbanisées, France Nature Environnement préconise par exemple de "désimperméabiliser, de permettre l’infiltration de l’eau à la parcelle, de créer des jardins de pluies, de préserver des espaces naturels en ville..." 

Que ce soit à travers des ouvrages de protection ou des solutions de renaturation, l'adaptation pour prévenir les risques de crues et d’inondations s’impose aujourd’hui comme un défi majeur. Et pour cause.

Bien que naturels, ces phénomènes sont amenés à s’intensifier et devenir de plus en fréquents sous l’effet du changement climatique.  

Des phénomènes qui vont s’intensifier 

Selon le sixième rapport du Giec (Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat), "dans un scénario de réchauffement à +1,5°C, les précipitations décennales (c’est-à-dire qui se produisent actuellement une fois tous les dix ans) se produiront 1,5 fois plus souvent".  

De son côté, l’OFB (Office français de la biodiversité) appuie : "le changement climatique va accentuer les extrêmes météorologiques, avec des pluies plus importantes sur un plus faible nombre de jours. Cette augmentation de l’intensité des précipitations amplifiera les phénomènes d’inondation et risque d’accroitre les dégâts observés en zones vulnérables." 

En témoignent les crues survenues ces dernières semaines en Ile-et-Vilaine, où des records de précipitations ont été battus. "Il est tombé en une semaine ce qui tombe normalement en un mois et demi et la répétition des pluies depuis un an fait que les terres sont gorgées d’eau et ont du mal à absorber la pluie qui tombe en supplément", déclarait à france info la ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, le 31 janvier dernier. 

Afin de permettre l’indemnisation des dommages causés, une procédure pour reconnaître l’état de catastrophe naturelle dans plusieurs communes du département a été enclenchée par le gouvernement.

En France, 18 millions d’habitants sont exposés aux risques d’inondation par débordement de cours d’eau, selon les derniers chiffres du gouvernement