Une entrecôte, un steak ou des cuisses de poulet produits en laboratoire pourraient bientôt apparaître dans nos assiettes. La revue Nature a publié le 25 avril, une étude démontrant que la consommation de viande conçue en laboratoire pourrait réduire de 80 % l’utilisation de l’eau et des sols et avoir un impact significatif sur le réchauffement climatique. Aussi appelée agriculture cellulaire, cette technique de production de viande vise à fabriquer des produits animaux à partir de cellules plutôt que des animaux eux-mêmes. Envisagée comme une alternative à l’élevage industriel - très critiqué pour son impact environnemental, l’agriculture cellulaire pourrait faire partie de notre alimentation future. Est-elle vraiment plus écologique ? ID fait le point.
La viande : le défi d’une alimentation durable
L’alimentation est un véritable enjeu du développement durable. Avec une population qui atteindra probablement les 9,6 milliards d’êtres humains en 2050, il devient crucial de trouver de quoi la nourrir, tout en préservant les ressources naturelles et l’environnement pour les générations futures. Un défi d’autant plus difficile à surmonter, que le niveau de vie de certains pays commence à s’élever et avec lui la consommation de viande. On estime ainsi que la demande de viande pourrait augmenter de 73 % d’ici 2050, selon une étude publiée en 2013 par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).
Cette même étude démontre que l’élevage aurait été responsable de 14,5 % des émissions de gaz à effet de serre en 2005. Une méthode de production de viande conventionnelle qui s’avère aussi très gourmande en ressources. Selon le rapport d’expertise "Rôles, impacts et services issus des élevages européens", de l’Inrae, publié en 2016, il faudrait entre 550 et 700 litres d’eau pour produire 1 kg de viande de bœuf. Quant à la surface agricole nécessaire pour la production de viande, l’ADEME l’évalue, dans un rapport de décembre 2020, à 5 300m2 pour un Français ayant une alimentation carnée.
Du laboratoire à l'assiette
Dans ce contexte, l’agriculture cellulaire est mise en avant comme une solution pour diminuer la consommation de produits carnés. Cette viande in vitro, produite à partir de cellules souches prélevées sur des animaux se présente comme une alternative à l'élevage et à l'abattage d'animaux. Ces cellules sont ensuite importées dans un incubateur qui les fait proliférer jusqu’à constituer un amas de cellules ou des fibres reproduisant le muscle. Cependant, cette technologie semble avoir ses limites, notamment en ce qui concerne ses capacités nutritionnelles comme l’explique Jean François Hocquette, dans un entretien publié par l’Inrae. Selon le directeur de recherche et spécialiste des produits animaux, ce type de viande "est pauvre en myoglobine, donc en fer, et doit être assaisonnée avec de nombreux ingrédients pour se rapprocher du goût de la viande."
Des avantages questionnés
Les promoteurs de l’agriculture cellulaire vantent les bénéfices d’un tel mode de production sur l’environnement. Si l’étude de la revue Nature démontre une réduction de 80 % de l’utilisation des sols et de l’eau, permettant de réduire le réchauffement climatique, un autre rapport de Frontiers in Sustainable Food System daté de 2019, pointe du doigt le fait que la viande cellulaire émettrait autant, voire plus, de gaz à effet de serre. Cette modélisation réalisée sur mille ans, montre que le méthane rejeté par l’élevage conventionnel reste douze ans dans l’atmosphère tandis que le CO2 émis par la culture de la viande in vitro y subsisterait durant une centaine d’année.
Les recherches étant pour l’instant peu nombreuses sur le sujet, il est impossible d’évaluer le réel impact de ce mode de production sur l’environnement comme l’indique Jean François Hocquette. Pour l’expert, "il existe de nombreuses incertitudes sur les avantages nutritionnels et environnementaux de la viande in vitro." Les entreprises privées commencent à investir ce champ de recherche. Pourtant le secteur public ne s'en préoccupe que très peu. " Il n’existe en France aucun projet de recherche publique sur le développement de l’agriculture cellulaire" selon Nathalie Rolland, présidente de l’association Agriculture Cellulaire France, dans une tribune publiée dans le journal Le Monde en 2021. L'intervenante appelle à ce que la France "finance des projets de recherche pour éviter de prendre trop de retard sur ce marché d'importance."
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