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Le droit à l'oubli, garant du respect de la vie privée

En son premier alinéa, l’Article 9 du Code civil dispose que "chacun a droit au respect de sa vie privée".

Le "droit à l’oubli" est vu comme la possibilité pour un individu de demander le retrait de certaines informations qui pourraient lui nuire. C’est finalement l’opposition entre la mémoire et l’oubli. Les partisans du "droit à l’oubli numérique" appellent de leurs vœux l’inscription de ce droit dans la Constitution. Les opposants brandissent, quant à eux, un "révisionnisme numérique potentiel".

Le droit au respect de la vie privée fait partie intégrante de cette thématique du "droit à l’oubli". Ce dernier est intrinsèquement lié à la liberté de la vie privée d’une part, mais également au secret de cette même vie privée, d’autre part.

Droit au déréférencement

C’est en 2014, le 13 mai, que la Cour de justice de l’Union européenne, a donné le droit aux européens de demander leur déréférencement aux exploitants de moteurs de recherche tels que Google. La réalité, c’est que Google a reçu plus de 650 000 demandes, que 88,7 % des requérants sont des particuliers et qu’un peu moins de la moitié des demandes aboutissent.

Notre monde est de plus en plus boulimique d’informations. Cinq exabytes de données en ligne sont stockées chaque jour. L’arrivée d’internet a contribué au développement de cette frénésie, générant ainsi autant de données que celles produites depuis le début de l’humanité jusqu’en 2003.

La question qui se pose est finalement de savoir pourquoi la mémoire comme l’oubli relèveraient-ils du droit ? La réponse à cette question est que l’oubli est en réalité une question éminemment juridique en ce qu’elle comprend un enjeu fondamental pour la personne concernée.

Le droit à l’oubli amènera à se poser deux interrogations complémentaires à savoir, les pouvoirs que ce droit conférerait à son titulaire, et l’intérêt juridiquement protégé par ce droit

Les facilités de conservation, de consultation, d’exploitation de données anciennes, offertes désormais notamment par les moteurs de recherche, ont conduit à la formulation de la revendication d’un "droit à l’oubli". C’est au nom du respect de la vie privée que certaines personnes se prévalent d’un tel droit, souhaitant obtenir, sinon l’effacement des informations dans leur édition d’origine, leur retrait des archives et au moins leur "déréférencement".

Sanctions judiciaires

Des sanctions judiciaires ont déjà été prononcées sur le fondement de dispositions civiles ou pénales. Mais c’est également le cas relativement à la prononciation de mesures extra-judiciaires prononcées notamment par la CNIL.

Par ailleurs, le Règlement européen sur la protection des données (RGPD) renforce de façon considérable les droits des personnes à disposer de leurs données. L’effacement et le droit à l’oubli figurent au Chapitre 3 du Règlement et plus précisément à l’Article 17. Le terme de "droit à l’oubli" est cité explicitement trois fois dans le RGPD. Ce dernier est une parfaite opportunité pour redonner aux personnes le pouvoir sur les données et leur portabilité (Article 20 du RGPD). Néanmoins les ambiguïtés de la formulation retenue à l’Article 17 invitent à prendre en compte d’autres innovations afin de mesurer la valeur ajoutée du RGPD pour la mise en œuvre du "droit à l’oubli".

L’évolution des techniques d’information et de communication et les usages des nouvelles technologiques et du numérique, collaborent pleinement au progrès de la société et à son développement. Néanmoins, ces évolutions sont également porteuses de menaces sur la protection de la vie privée et des données personnelles. Ces menaces ont donc légitimement conduit à la formulation de la revendication d’un "droit à l’oubli". Tout l’enjeu sera donc de concilier respect de la liberté d’information et protection de la vie privée.

Me Arnaud TOUATI

Avocat Associé - Barreau de Paris et Luxembourg

et Sacha Gaillard

HASHTAG Avocats