En 2023, seulement 39 % des personnes actives reconnues handicapées étaient en emploi, soit 1,7 fois moins que la population générale. Un constat qui trouve un écho particulier dans l'anniversaire des 20 ans de la loi Handicap de 2005.
Perçue comme un tournant majeur pour l’égalité des droits, elle se distinguait, à l’époque de sa promulgation, par son caractère novateur, selon Boutayna Burkel : "Il faut se replacer 20 ans plus tôt, cette loi était particulièrement innovante et en avance du marché international. Elle a abordé de front un sujet qui était assez tabou." Ainsi, des dispositifs financiers et des mesures ont été instaurés pour favoriser l’emploi, la réinsertion et le maintien en poste.
Des obstacles persistants
Cependant, de nombreux obstacles continuent de persister au fil des années : jugement social, manque d'accès aux formations adaptées, et peur de la stigmatisation, notamment parmi les cadres, qui choisissent de ne pas déclarer leur handicap. "Il existe donc de nombreux freins à l'accès au premier emploi et au maintien dans l’emploi."
Malgré ces divers écueils, Boutayna Burkel constate toutefois que "les entreprises ont tendance à se concentrer sur des aspects comme l'accessibilité des bureaux par exemple, plutôt que sur des questions de fond et plus complexes telles que l'acceptation au travail ou l'analyse des tâches par exemple."
Un écosystème en mutation
Mais alors, quid de la suite ? Comme le souligne la spécialiste, l'environnement réglementaire sera profondément modifié avec la fin des accords agréés, ces dispositifs qui permettaient de financer des actions spécifiques en faveur des personnes en situation de handicap. Les entreprises devront ainsi revoir leurs pratiques et trouver de nouvelles stratégies pour pérenniser leurs engagements en matière d’inclusion.
À lire aussi : "Ecologie : gagner plus, dépenser moins"
Et la solution pourrait peut-être se trouver dans l’adoption d’une culture d’entreprise inclusive, au-delà même de toute considération légale. Le premier levier pour y parvenir n’est autre que l’implication des dirigeants : "Un responsable concerné personnellement ou sensibilisé dès son plus jeune âge peut inscrire durablement les politiques inclusives, car son expérience crée une impulsion émotionnelle et une vision claire. Cela permet au management et aux employés de comprendre la logique derrière cette démarche, tant sur le plan entrepreneurial qu’humain."
L'inclusion doit être vue comme une réalité qui concerne tout le monde, et non comme un privilège.
Deuxième levier : la professionnalisation des équipes. "Il est essentiel de recruter des experts en inclusion, sans enfermer les personnes en situation de handicap dans ces rôles. Cela permet d’avoir une approche plus globale et stratégique des politiques d’accessibilité et d’intégration."
Enfin, le troisième levier a trait à la dynamique collective : "Sensibiliser les équipes et répartir équitablement les efforts est essentiel pour éviter les tensions internes, car des conflits peuvent surgir si certaines situations sont perçues comme injustes. L'inclusion doit être vue comme une réalité qui concerne tout le monde, et non comme un privilège."
Quelles ambitions pour l’avenir ?
Si le bilan des vingt dernières années a donc été dressé, que peut-on attendre des vingt prochaines désormais ? D’après l'experte, l’instauration de mesures de suivi et d’impact dans les politiques publiques et privées s’avérera essentielle. Par ailleurs, l’analyse de l’évolution des carrières et la manière dont le handicap est perçu dans le milieu professionnel joueront également un rôle déterminant.
La finalité ? Faire de l’inclusion un réflexe naturel au sein des organisations. "Nous franchirons un cap lorsque le handicap sera pleinement intégré à la vie des entreprises, au point qu'il ne soit plus nécessaire d'en parler."