Moustiques tigre piquant un humain
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Biodiversité

Biodiversité : peut-on imaginer un monde sans moustiques ?

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Les moustiques bourdonnent, piquent et grattent, de quoi nous donner envie de les éradiquer. Mais au-delà de ces petits désagréments, certains de ces insectes suceurs de sang posent un sérieux problème de santé publique. Alors, pourquoi ne pas tout simplement les éradiquer ?

Sur les 3500 espèces de moustiques répertoriées, 6 % piquent l'Homme. Parmi elles, seules quelques-unes sont capables de nous transmettre des agents pathogènes, vecteurs de maladies telles que le paludisme, la dengue, le chikungunya ou le virus Zika. Pour autant, ces affections engendrent plus de 830 000 décès par an dans le monde et font du moustique l'animal le plus meurtrier qui soit pour l’Homme.

Anna-Bella Failloux, entomologiste à l’Institut Pasteur, revient, pour ID, sur la prolifération des moustiques et leur impossible extermination. Elle expose également pourquoi la présence de ces colocataires indésirables risque de s'intensifier dans les années à venir et comment nous devrons inévitablement nous y adapter.

Pourquoi ne pas les exterminer? 

Utilité éco-systémique des moustiques

"S'ils sont là, c'est qu'ils ont leur raison d'être. Autrement, ils auraient disparu depuis longtemps", affirme Anna-Bella Failloux. Les moustiques font partie intégrante de leurs écosystèmes et y jouent un rôle. Déjà parce qu’en se nourrissant du nectar des plantes, ils agissent comme pollinisateurs. Ensuite parce qu’ils font partie de la chaîne alimentaire. Ils servent de nourriture à  "des oiseaux, des lézards ou des chauves-souris à l'état adulte, mais également à des poissons, des grenouilles ou des larves de libellules à l'état larvaire".

Incapacité technique

En dehors de leurs utilités éco-systémiques, des contraintes matérielles et techniques rendent l'éradication des moustiques impossible. Ils sont partout et en très grand nombre. Les moustiques "colonisent tous les environnements", explique Anna-Bella Failloux. "On les trouve jusqu’au niveau du cercle polaire et à plus de 3000 mètres d'altitude". A l'état de la science, éliminer les moustiques serait une tâche titanesque et écocidaire. "Il faudrait bétonner et utiliser des insecticides non sélectifs partout, avec le risque d'éliminer la faune non cible qui nous est utile".

Vers une densification de la prolifération des moustiques

Alors que l’éradication des moustiques est impossible, les activités humaines et les changements climatiques accroissent leur nombre et facilitent leur prolifération.

Un exemple probant est celui du développement d’Aedes albopictus - plus connu sous le nom de moustique tigre - en France, depuis les années 90. Ce moustique, vecteur de maladies comme le chikungunya, la dengue ou le virus Zika, est arrivé par voie aérienne et maritime sur le territoire en raison de l'augmentation des échanges et des voyages. Puis, le réchauffement climatique a accéléré sa propagation. "Il colonise des environnements qui étaient inadéquats à sa survie il y a encore quelques années. Depuis son arrivée en France, il s’est implanté dans plus de 70 départements, a commencé à se répandre en Allemagne et se dirige vers le nord de l'Europe."

La pression démographique est tellement importante que nous créons des environnements favorables à la prolifération de ce type d’insecte." 

Anna-Bella Failloux pointe également du doigt l'organisation des sociétés humaines concentrées autour de pôles urbains de plus en plus importants comme responsable de la prolifération des moustiques tigres. Contrairement à d'autres espèces, les moustiques tigres peuvent se développer dans de très petits "gîtes d'eau propre", tels que des vases ou de petits contenants d'eau artificielle. Les zones urbaines créent alors des conditions propices au développement de ce moustique qui y trouve le "gîte et le couvert" : suffisamment d'espace pour se développer et des humains à piquer en abondance. Une situation qui favorise, à terme, les risques épidémiques

Régulation des moustiques : un problème de santé publique

Nous devons être en mesure de limiter les densités jusqu'à un niveau tolérable, compatible avec notre système de santé"

Si l'éradication des moustiques n'est pas une option viable, leur régulation est possible. "Nous devons être en mesure de limiter les densités jusqu'à un niveau tolérable, compatible avec notre système de santé", explique Anna-Bella Failloux. L'objectif : que celui-ci soit capable de prendre correctement en charge les malades et de limiter les décès en cas d'épidémie.

Cette régulation relève, pour la chercheuse, d’un choix politique. Celui de "parier sur l'avenir, grâce à des mécanismes d’anticipation"."Actuellement", rappelle-t-elle,"très peu de personnes travaillent sur les moustiques vecteurs. Former des individus compétents sur ces questions prend du temps. Ce n’est pas au dernier moment qu'il faut agir."

50 % du travail de régulation peut provenir de la population."

L'entomologiste souligne également que seule une "action transversale", impliquant les efforts conjoints des scientifiques, des autorités publiques et des citoyens, pourra garantir des niveaux tolérables de moustiques. Avec une bonne sensibilisation, l'action citoyenne individuelle pourrait contribuer à hauteur de "50% du travail de régulation". La population serait alors en mesure de limiter le développement de gîtes larvaires autour d'elle en "vidant tous les sites favorables au développement des moustiques, tels que des petits contenants d'eau propres, comme des pots de fleurs ou des gouttières bloquées par des feuilles."

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