Me Olivier LAFFITTE, Avocat à la Cour, Président de l’Observatoire du Droit de la Finance Durable et Administrateur du Forum pour l’Investissement Responsable (FIR).
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Analyse juridique

Assurance-vie, greenwashing et contentieux de masse : l’arme fatale des assurés

Par Me Olivier LAFFITTE, Avocat à la Cour, Président de l’Observatoire du Droit de la Finance Durable et Administrateur du Forum pour l’Investissement Responsable (FIR).

La chasse est ouverte 

Poussée par la loi Pacte de 2019 et plus récemment par le projet de loi pour l’industrie verte qui sera soumis cet été au Parlement, l’offre de produits d’assurance-vie éco-responsables dits "ESG", c’est-à-dire prenant en compte des critères extra-financiers environnementaux, sociaux et de gouvernance, a connu une croissance exponentielle.

Toutefois, derrière des slogans attractifs, le constat est sans appel : la plupart, pour ne pas dire la quasi-totalité des assurances-vie éco-responsables sont loin de répondre aux attentes et exigences exprimées par leurs souscripteurs.

Ce greenwashing généralisé n’est pourtant pas une fatalité. D’une part, les régulateurs ont annoncé leur volonté de sanctionner les assureurs indélicats, au niveau européen comme national, avec notamment une recommandation ACPR, en vigueur depuis le 1er avril 2023, réglementant strictement la promotion de caractéristiques ESG dans les produits d’assurance-vie. D’autre part, les assurés eux-mêmes ont le pouvoir de se défendre.

Les contentieux de masse : l'arme fatale des assurés 

Les promesses des assureurs en matière d’assurance-vie ESG ne sont en effet pas de simples "paroles en l’air", mais constituent vis-à-vis de leurs clients-assurés, de véritables engagements juridiques, dont le non-respect entraine leur responsabilité contractuelle. Autrement dit, tout souscripteur d’un contrat d’assurance-vie dont les caractéristiques ESG annoncées ne correspondent pas in fine à la réalité, pourra saisir les tribunaux afin de faire condamner son assureur à l’indemniser de son préjudice extra-financier. À cet égard, l’obligation légale pesant depuis 2023 sur les assureurs, de s’informer sur les préférences ESG des souscripteurs d’assurance-vie sera de nature à faciliter la démonstration de leur faute contractuelle.

Si chaque souscripteur mécontent peut évidemment saisir individuellement les tribunaux pour se faire indemniser de son préjudice extra-financier, une telle action juridique sera d’autant plus efficace qu’elle sera intentée par un collectif d’assurés, tous bénéficiaires de la même assurance-vie. Une telle action de masse, correspondant aux fameuses class action américaines, permet ainsi aux assurés de "faire le poids" face à de puissants groupes d’assurance, et d’obtenir des dommages et intérêts supérieurs, y compris le cas échéant dans le cadre d’un accord transactionnel conclu avec les assureurs concernés.

Habituées de ce genre de contentieux de masse, les associations de défense des consommateurs ne s’y sont d’ailleurs pas trompées. Et ce n’est certainement pas un hasard si l’association bien connue "UFC-Que Choisir" a publié en mars 2023 une analyse critique dénonçant l’écoblanchiment et les fausses promesses de nombreux investissements prétendument ESG.

Que faire et comment s'organiser ? 

Dans ce contexte, les souscripteurs d’assurance-vie victimes de greenwashing peuvent désormais se regrouper pour faire valoir au mieux leurs droits, et obtenir en justice l’indemnisation de leurs préjudices extra-financiers. À cet égard, les associations existantes de défense des consommateurs, ou des regroupements ad hoc initiés par les souscripteurs concernés, le cas échéant avec l’aide de leurs avocats, seront à n’en pas douter les fers de lance de futurs contentieux de masse de la finance durable.

 

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