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25 % de hausse salariale dans le secteur automobile américain… Et moi, et moi, et moi

Après 40 jours de grève et d’intenses négociations, le syndicat des travailleurs américains du secteur automobile a obtenu en octobre dernier un accord de revalorisation salariale historique portant sur les cinq prochaines années.

Cet épisode n’est pas un cas isolé. Depuis la pandémie, nous assistons en effet à une augmentation généralisée des rémunérations et ce, dans la plupart des pays développés, à tel point que la crainte d’une « boucle prix-salaires » s’était même immiscée chez certains, avant de s’apaiser durant l’année. Pour des raisons structurelles, il se pourrait cependant qu’un certain nombre de facteurs puissent redonner aux salariés un pouvoir de négociation plus élevé.

Comme pour de nombreux concepts économiques, il existe plusieurs façons de mesurer l’évolution des salaires. Toutefois, quelle que soit la méthode utilisée, les faits sont têtus. Les salaires nominaux (non retraités de l’inflation) ont crû partout dans le monde. Aux États-Unis, l’indice du coût de l’emploi affiche désormais une progression annuelle de 4,30 % en septembre 2023, après avoir culminé à 5,1% fin 2022. Si l’on s’attarde sur un indicateur plus précis, fourni par la Fed d’Atlanta, ce sont les travailleurs qui ont changé de poste au cours de ces dernières années qui ont le plus « profité » de la situation. En Europe, même son de cloche. Les salaires négociés en zone Euro ont crû de 4,7 % sur un an au 3ème trimestre 2023, un plus haut historique depuis les années 90. Au Royaume-Uni, la progression salariale y est encore plus élevée puisqu’elle gravite autour de 7 à 8 %. Même au Japon, pays connu pour ses périodes de déflation, le phénomène est palpable. Les négociations avec les syndicats locaux ont abouti à une revalorisation salariale d’un montant inédit de plus 30 ans..!

En 2022 et sur une partie de l’année 2023, les salaires nominaux ont « couru » après l’inflation. Un mouvement de modération salariale s’est néanmoins enclenché depuis quelques mois, à mesure de l’apaisement de la hausse des prix. Cela est plus patent outre-Atlantique que sur le vieux continent, où davantage de données devront encore être accumulées pour s’en assurer.

Dans tous les cas, et dans le sillage de la désinflation, ces mesures commencent à redevenir positives en termes réels (retraitées de l’inflation). Cela ne doit toutefois pas occulter l’érosion nette cumulée depuis les premières poussées inflationnistes en Europe, ce qui modère les anticipations d’une reprise forte de l’activité liée à un regain de pouvoir d’achat en 2024.

En prenant cette fois une longue vue, des facteurs structurels plus profonds pourraient expliquer la mise en place d’un régime quelque peu différent en comparaison de la décennie pré-Covid. Parmi ceux-ci, on retrouve les suspects régulièrement identifiés au sein de ces colonnes.

Le vieillissement de la population des pays développés pourrait avoir un effet rétrécissement sur la force de travail et ainsi induire une plus grande tension sur le marché, qui se traduirait in fine par un accroissement du pouvoir de négociation des salariés. L’option de recourir à l’immigration ne suffirait alors pas à absorber ce différentiel, d’autant que le chemin vers la transition écologique a le potentiel d’engendrer de nouveaux emplois, de même que la thématique de la régionalisation et de la relocalisation (onshoring, nearshoring…) de certains pans de l’économie pour gagner en souveraineté.

Aussi, l’avènement et le déploiement de l’intelligence artificielle représente à la fois une menace et une opportunité. Une menace, en remplaçant certaines tâches effectuées aujourd’hui par des humains. Une opportunité par les gains de productivité induits, la montée en qualification des travailleurs (qui se formeraient à l’utilisation de ces outils) et par la possibilité d’absorber des hausses de salaires. En net, l’effet demeure incertain.

Pas tout à fait la fin du néo libéralisme, pas tout à fait non plus le retour d’un syndicalisme américain au niveau des années 70, mais une nouvelle ère, digérant un certain nombre d’écueils mis en évidence depuis la Covid pourrait donc donner un peu plus de pouvoir au facteur « travail »…

Contenu rédigé par Florent Wabont, économiste chez Ecofi.