Stocker le CO2 à plus de 800 mètres de profondeur: comment et avec quels risques?

Le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) planche depuis les années 1990 sur le stockage de CO2 en France mais il a redoublé d'efforts depuis que cette technique a intégré l'arsenal des solutions pour contenir le réchauffement climatique.

Avant la publication en juin d'une cartographie des capacités françaises de stockage du CO2, Thomas Le Guenan, ingénieur de recherche au BRGM et expert de la gestion des risques pour le stockage géologique de CO2, explique à l'AFP le fonctionnement de ces potentiels réservoirs souhaités par le gouvernement.

QUESTION: Dans quel type de roche peut-on stocker le CO2?

REPONSE: "Le stockage géologique peut se faire sur terre ou en mer: on vise des structures de roches poreuses et perméables qui laissent circuler les fluides, surtout les roches sédimentaires issues d'un dépôt dans un fond marin.

Dans les roches perméables profondes, on distingue les aquifères salins, si cette roche contient de l'eau salée, et les anciens réservoirs d'hydrocarbures.

Ce sont des conditions qu'on obtient au delà de 800 mètres de profondeur, sous le plancher marin ou sous la surface de la terre, et c'est le minimum retenu par la communauté scientifique.

Le CO2 peut être injecté sous forme gazeuse dense, il aura alors tendance à remonter naturellement en raison de la différence de densité avec l'eau naturellement présente dans la roche. On a donc besoin d'une roche imperméable qui surmonte la roche poreuse pour empêcher la remontée du CO2.

Un deuxième type de roche très particulier peut permettre de stocker du CO2: les roches mafiques (principalement le basalte riche en magnésium et en fer, dans les zones volcaniques, NDLR). Dans ce type de roche, le CO2 sous forme dissoute dans l'eau réagit rapidement et va former des carbonates, c'est-à-dire des minéraux. D'un point de vue pérennité du stockage, c'est excellent.

Mais le fait de devoir dissoudre le CO2 dans l'eau avant de l'injecter limite fortement les volumes. Et il faut trouver la ressource en eau puisqu'il faut en général vingt volumes d'eau pour un volume de CO2. Au BRGM, on étudie aussi l'injection en CO2 dissous dans les roches sédimentaires."

Q: Où se trouvent ces roches?

R: "Les roches sédimentaires sont plutôt bien réparties sur la surface du globe même si les grands pays pétroliers vont en avoir plus.

En France, on a trois grands bassins sédimentaires qu'on envisage pour le stockage (un dans le bassin parisien et deux autres dans le Sud-Ouest, NDLR).

Pour le basalte, c'est plus réduit en termes géographiques. Il y a principalement l'Islande (qui stocke déjà du CO2 dans ses sols grâce à la minéralisation, NDLR), les Etats-Unis et l'Inde."

Q: Quels sont les risques?

R: "Le dimensionnement d'un site dépend essentiellement des risques de fuite. Pour mesurer l'imperméabilité de la roche surmontant le réservoir, on utilise des outils géophysiques qui nous renseignent sur sa structure. On doit ensuite disposer d'un forage avec des échantillons testés en laboratoire.

Le deuxième risque de fuite vient des puits, d'injection ou de surveillance. On va en assurer l'étanchéité par du ciment.

Dans les réservoirs d'hydrocarbures abondamment explorés, il peut y avoir des (risques de fuites à cause) d'anciens puits bouchés avec les méthodes de l'époque, l'important est donc de les localiser (pour les colmater avec du ciment), mais sur les nouveaux puits, le risque (de fuites) est faible.

En injectant massivement du CO2, on va générer une augmentation de la pression. Comme on parle de structures très profondes, ça n'a pas forcément un impact en surface, il peut y avoir quelques millimètres d'élévation. Mais toutes les opérations industrielles dans le sous-sol ont des impacts.

On regarde surtout l'impact du stockage CO2 sur d'autres utilisations du sous-sol comme la géothermie mais aussi l'impact des risques sismiques.

Les infrastructures de stockage en profondeur sont plus en sécurité qu'en surface. On a un exemple au Japon: aucun effet majeur n'a été détecté sur un site expérimental de stockage après le séisme" (de 2011, qui a provoqué la catastrophe nucléaire de Fukushima, NDLR).

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