Le 7 mai 2024, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) autorise la mise en service du réacteur EPR de Flamanville, en Normandie, après presque 17 ans de travaux. L’occasion pour la France de réaffirmer sa stratégie énergétique, tournée vers le nucléaire.
Premier exportateur d’électricité en Europe grâce à cette technologie, elle échappe à la dépendance au gaz russe, qui touche durement plusieurs pays européens depuis le début de la guerre en Ukraine. Alors que la coopération énergétique a fait partie des premières étapes de la construction du projet européen, les avis sur le sujet sont de plus en plus divisés au sein de l’UE.
Fermer toutes les centrales
Première économie de l’Union européenne, l’Allemagne a fermé ses trois derniers réacteurs en activité le 15 avril 2023. Cette décision, initiée en 1998 par le chancelier social-démocrate Gerhard Schröder allié aux Verts, a été actée par un amendement en 2002.
Les centrales allemandes devaient toutefois encore bénéficier d’un sursis de quelques décennies, d’autant plus qu’Angela Merkel, successeure de Schröder, n’y était pas spécialement opposée... jusqu’à l’accident de Fukushima.
Le 11 mars 2011, un séisme de magnitude 9 provoque la coupure de l'alimentation électrique de la centrale de Fukushima-Daiichi, entraînant l’interruption des réacteurs. Face à la catastrophe classée au même niveau que Tchernobyl sur l’échelle internationale des accidents nucléaires, la chancelière réagit en annonçant une sortie définitive de son pays.
Ce mouvement de fermeture des centrales européennes a aussi un fort écho en Espagne. Deuxième producteur d’énergie nucléaire de l’UE, le pays prévoit de commencer les mises hors service en 2027, avec la fermeture de la centrale d’Almaraz, la plus puissante du pays, et de poursuivre cette dynamique jusqu’en 2035.
Ce calendrier fait cependant face à de nombreuses critiques de l’opposition de droite. Située dans la région de l'Estrémadure, l'une des plus pauvres du pays, la présidente de la région craint une menace pour l’emploi, ainsi qu’un manque d’indépendance énergétique. Le gouvernement socialiste de Pedro Sánchez s’est défendu en janvier en affirmant parier "sur les énergies renouvelables".
L’Allemagne et l’Espagne sont soutenues dans leur politique par l’Autriche, où l’opposition à cette technologique fait consensus de la gauche à l’extrême droite. La République alpine intente régulièrement des procès à ses voisins hongrois et tchèques devant la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) pour protester contre leur politique énergétique.
Un retour au nucléaire
Si l’opposition au nucléaire va bon train dans certains pays de l’Union européenne, d’autres sont revenus sur leur décision de s’en débarrasser. C’est notamment le cas de la Suède et des Pays-Bas. Les deux pays avaient officiellement décidé d’abandonner progressivement cette technologique avant de se rétracter.
En novembre 2023, le Parlement suédois a modifié le Code de l’environnement du pays afin de permettre l’installation de réacteurs nucléaires en dehors des centrales déjà existantes. La limite des 10 réacteurs maximums sur le territoire est également supprimée.
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Les Pays-Bas, dont la fermeture de l’unique réacteur était prévue en 2033, ont lancé en décembre 2023 un appel d’offres pour la construction de trois nouveaux réacteurs. Ces changements de cap sont majoritairement dus à la guerre en Ukraine et aux tensions vis-à-vis de la Russie, sur laquelle se reposait un certain nombre de pays européens pour leur approvisionnement énergétique.
Mais le nucléaire est parfois aussi source de dépendance dans l’UE à l’égard de la fédération russe. Ainsi, l’UE compte 19 réacteurs VVER en service. Ces technologies, mises au point par Moscou pendant l’époque soviétique, rendent les pays d’Europe centrale et de l’Est techniquement dépendants de la Russie, notamment pour s’approvisionner en combustible.
Selon un rapport du World Nuclear Industry Status Report, la Hongrie a accordé en décembre 2024 le chantier des deux futurs réacteurs de la centrale de Paks à Rosatom, la société publique russe de l’énergie nucléaire.