D’après France Nature Environnement, un enfant qui porte des couches jetables jusqu’à ses 2 ans et demi génère environ 20m3 de déchets, soit environ 800kg. Mais au-delà des chiffres, la question de l’impact environnemental des couches est plus complexe qu’il n’y paraît, et pour les parents qui souhaitent minimiser leur impact environnemental, le choix entre couches lavables et couches jetables n’est pas évident. En effet, entre consommation d’eau et de lessive pour le lavage d’une part, et usage unique de l’autre, difficile de peser le pour et le contre. L’entreprise Les Petits Culottés a pris son parti : celui de couches jetables mais durables, en grande partie naturelles et donc compostables, pour limiter les problèmes liés à leur enfouissement. Johan Bonnet, cofondateur de l’entreprise, a détaillé pour ID cette initiative prometteuse.
Comment présenteriez-vous Les Petits Culottés ?
Les Petits Culottés a lancé la première couche écologique distribuée en circuits courts et fabriquée en France. Une couche écologique, à la différence de la plupart de ce qui est présenté en grande distribution, c’est une couche dans laquelle on trouvera en majorité des matières naturelles et renouvelables. Elle va avoir deux intérêts majeurs : une meilleure absorption, et un aspect plus sain pour l’enfant.
Une couche "100% naturelle" n’est donc pas concevable ?
Tout à fait. Aujourd’hui, la couche 100% naturelle n’existe pas. Techniquement, il n’y a pas encore de solution pour remplacer toutes les parties de la couche par de la matière naturelle. Le maximum que l’on peut atteindre se situe autour de 70 à 80% du produit, le plus important pour nous étant que les parties qui sont directement en contact avec la peau du bébé soient d’origine naturelle et non pas issues de la pétrochimie.
La partie naturelle de la couche va être dégradée et va venir enrichir le sol lors de son élimination. À l’avenir, moins il y aura de matière synthétique dans la couche, mieux ce sera pour l’environnement."
Vous parlez de la santé du bébé, mais qu’en est-il de l’impact environnemental de la couche écologique par rapport à une couche classique ?
L’intérêt majeur de ce point de vue-là, c’est que la partie naturelle de la couche va être dégradée et va venir enrichir le sol lors de son élimination. À l’inverse, la partie synthétique met plusieurs années, voire des dizaines d’années, à disparaître, les couches étant aujourd’hui enfouies comme la plupart des déchets ménagers lorsqu’on les jette à la poubelle. À l’avenir, moins il y aura de matière synthétique dans la couche, mieux ce sera pour l’environnement.
Vous parliez aussi des 20 à 30% de matière synthétique qu’il reste dans la couche. Qu’est-ce qui pose problème concrètement et quels espoirs avez-vous en matière d’innovation ?
C’est un vrai problème en effet, mais nous avons toujours espoir d’arriver à une couche naturelle et donc entièrement compostable d’ici un ou deux ans. Les éléments qui restent à mettre au point sont la viabilité technique, c’est-à-dire l’absorption et la bonne résistance de la couche, et l’aspect économique, c’est-à-dire pouvoir proposer une couche accessible au plus grand nombre.
Justement, comment vous situez-vous au niveau de la tarification aujourd’hui ?
Nous avons justement réussi à démocratiser la couche écologique, fabriquée en France, puisque nous sommes sur un système de circuit court. Nous avons deux ateliers, un dans les Vosges et l’autre en Bretagne, et nous livrons les produits directement chez les parents. Cela permet justement de supprimer tous les intermédiaires commerciaux, ce qui permet d’être à peu près au même prix qu’une couche synthétique fabriquée à l’étranger.
L'impact environnemental du transport doit être pris en compte. C’est comme acheter une tomate bio venant du Brésil : le produit est peut-être intéressant mais la démarche n’est pas cohérente."
Sur le lieu de production, vous disiez que votre fabrication locale était unique en France. Cela veut dire que les autres fabricants de couche durable ne fabriquent pas en France ?
Pour faire un point de contexte, en effet aujourd’hui, 90 à 95% des couches ne sont pas fabriquées en France, mais plutôt en Europe de l’Est ou même plus loin. C’est un vrai point dérangeant selon nous, puisque si l’on souhaite développer une couche écologique, ce n’est pas pertinent de la fabriquer très loin du lieu de consommation finale, puisque l’impact environnemental du transport doit être pris en compte. C’est comme acheter une tomate bio venant du Brésil : le produit est peut-être intéressant mais la démarche n’est pas cohérente.
Il y a quelques autres marques qui sont aussi sur le créneau de la couche écologique en France. La différence est que nous l’avons rendue plus accessible via ce système de circuits courts. Un autre élément important que l’on a souhaité est l’aspect sanitaire. Proposer une couche saine passe par la fabrication en matières naturelles, mais aussi à s’engager à être transparent, en publiant les analyses toxicologiques du produit. En effet, aujourd’hui il n’y a toujours pas de règlementation concernant les couches en France. N’importe qui peut mettre une couche sur le marché, il n’y a que peu de contrôles.
Concernant l’aspect local de fabrication, avez-vous eu des défis à surmonter ?
Produire en France a un coût, le principal challenge est donc économique. Nous avons réussi à le relever en supprimant les intermédiaires entre le lieu de fabrication et les clients, comme je le disais plus tôt.
En tant que société, comment êtes-vous organisés aujourd’hui ?
Les Petits Culottés compte une dizaine de salariés en interne, qui œuvrent au quotidien. En externe, il y a tout un environnement qui se développe autour de nous et dont nous sommes très fiers, notamment un ESAT (établissement et service d'aide par le travail, ndlr). Tout cela mis bout à but donne une trentaine de personnes qui travaillent à temps plein pour la société, en comptant la ligne de production qui s’est développée. Nous fonctionnons sur un système d’abonnement, flexible et sans engagement. Fin 2021, nous compterons un peu plus 30 000 abonnés. En termes de production, nous devrions être aux alentours de 50 à 60 millions de couches sur l’année.
Il n’est pas toujours aisé pour le consommateur de s’y retrouver en ce qui concerne le choix des couches. Pensez-vous par exemple pouvoir gagner le "match" face à l’option de la couche lavable ?
Je vais répondre en prenant aussi ma casquette de parent. Je pense qu’il faut essayer de faire ses choix avec bon sens. Lorsque nous avons lancé l’aventure, nous nous sommes demandé : qu’aimerions-nous trouver qui n’existe pas encore ? La couche lavable est intéressante, c’est une alternative crédible, certains clients des Petits Culottés fonctionnent même avec du lavable et du jetable à la fois. Seulement, notre mode de vie est encore davantage tourné dépendant du jetable, nous avons donc tenu à exploiter ce créneau-là, mais en y apportant un maximum de transparence, et de responsabilité sociale et environnementale. Je ne dis donc pas que la couche lavable est bien ou moins bien, c’est simplement un autre produit ; de notre côté, il nous faudrait de fait atteindre le 100% compostable, ce serait le top du top.
Dernière question : n’y a-t-il pas des acteurs qui affirment que leurs couches sont compostables ?
Pour le moment non. Il n’y a à ce stade que des expérimentations, qui partent d’une couche en plastique et séparent ensuite les matériaux compostables des non-compostables. Il faut encourager ce type d’initiatives, car la couche 100% compostable viendra de là.
Une interview réalisée en partenariat avec France Inter. Pour écouter la chronique Social Lab, cliquez ici.
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