En matière de zéro déchet, la technique des "petits pas" permet des avancées non-négligeables : selon l'ADEME, depuis 2007, 4,6% de déchets produits par habitant ont été évités grâce à la prévention, à la réutilisation, au réemploi, à la réparation et à la réduction du gaspillage alimentaire. Mais que penser de ces gestes du quotidien quand, soumis à des effets de mode, ils en deviennent contreproductifs ? ID s'est entretenu avec Marine Foulon, responsable communication pour l’association Zero Waste France.
Comment observez-vous la manière dont le grand public se saisit de la thématique du zéro déchet aujourd’hui ?
C’est un sujet qui parle de plus en plus, c'est sûr, les solutions sont de plus en plus visibles, les gens ont envie de tester des alternatives au jetable et à l’usage unique. Certains passent aussi la vitesse plus militante, et s’investissent de manière plus collective pour faire bouger les choses à l’échelle des collectivités et de l’Etat.
Beaucoup de business s’est créé autour de cette initiative, qui sert autant qu’il dessert j’imagine…
C’est un peu le piège. Il y a un enjeu écologique derrière le zéro déchet, il ne faut pas que cela devienne une mode. Comme beaucoup d'autres choses, l’écologie devient un argument marketing, et c’est là où savoir décrypter les pièges, questionner les usages et les besoins en certains objets ou services, va faire la différence.
Il ne faut pas qu'ils deviennent des objets qu’on accumule sous l’effet d’une mode, il faut les utiliser sur le long terme."
On a vu ces dernières années l’attention se focaliser sur certains objets du quotidien, comme les tote bags et les gourdes…
Ces objets-là ne sont pas des faux amis selon moi, il faut les voir comme un investissement de départ pour remplacer le plastique notamment. Il y a cependant des points de vigilance à avoir : il ne faut pas qu'ils deviennent des objets qu’on accumule sous l’effet d’une mode, il faut les utiliser sur le long terme.
Quel est le bon réflexe dans le cas où on veut remplacer le plastique ?
Il faut déjà veiller à identifier ses besoins. Dans le cas des gourdes, on peut par exemple choisir un seul objet, ou deux, dans le cas où l’on identifierait deux types de situations qui justifient l’emploi de deux objets : par exemple, une pour la vie de tous les jours et une, plus légère, pour le sport. Il n’est pas nécessaire d’accumuler plusieurs objets du même type qui vont juste faire double emploi, d’autant que c'est souvent le type d'objets qu’on gagne ou qu’on obtient gratuitement. De plus, pour le moment les gourdes en inox ne sont par exemple pas fabriquées en France. Il y a par contre des gourdes en verre, qui sont de plus en plus solides, et dont la fabrication made in France commence à se développer.
De plus en plus de gens adoptent ces objets du quotidien. Est-ce que ce n’est pas la tentation de se dire "ok, je contribue à sauver la planète" sans en faire davantage ?
Effectivement, ce sont des objets qui sont emblématiques du mode de vie zéro déchet. Après, pour construire, comme en a l’ambition Zero Waste France, une société sans gaspillage et sans déchet, il y a forcément des actions qui doivent être mises en place et coordonnées à plus grande échelle : le tri des biodéchets, la réduction du plastique dans les cantines… L’action associative est alors un moyen d’élargir son champ d’action, et d’avoir un impact plus général. Évidemment il y a aussi des enjeux au niveau légal, convaincre les élus et les entreprises, et sur ce plan-là c’est l’aspect plaidoyer qui va permettre d’agir.
Sur le tote bag, vous écrivez sur votre site "N’offrez plus de sacs en coton". Quel est le problème concrètement ?
Comme pour tous les objets neufs, la fabrication du tote bag nécessite des matières premières. Pour faire pousser le coton, il faut des quantités astronomiques d’eau. Donc si l’on ne réutilise pas l’objet un certain nombre de fois, parce qu’on en aura trouvé un avec un logo plus joli, on n’aura pas du tout rentabilisé ce coût écologique de fabrication. L’important est donc d’en avoir un que l’on va réutiliser un maximum. Pour moi, la compréhension de la notion de zéro déchet passe forcément par la réduction de la consommation, la sobriété. Au-delà des déchets qui se retrouvent dans la nature, la production d’objets neufs est aussi au cœur du problème, mais elle est, je crois, un peu moins médiatisée.
Le rôle de Zero Waste France s’articule à plusieurs échelles. Nous avons vocation à accompagner les citoyens, sans les faire culpabiliser. À côté de ça, nous dénonçons aussi les entreprises qui ne respecteraient pas la loi."
Votre métier n’est-il pas voué à changer, avec ces premiers pas qui sont, finalement, un peu des écueils ?
C’est pour cela que le rôle de Zero Waste France s’articule à plusieurs échelles. Nous avons vocation à accompagner les citoyens, sans les faire culpabiliser. À côté de ça, nous dénonçons aussi les entreprises qui ne respecteraient pas la loi, nous accompagnons les entreprises qui souhaitent entrer dans la démarche zéro déchet, etc. Nous accompagnons aussi les organisateurs d’événements, notamment de festivals, en les poussant à changer leurs pratiques sur certains détails. Par exemple, les eco cups, ces verres en plastique ornés d’un visuel, dont nous nous assurons qu’ils ne soient plus datés, car s’ils le sont les organisateurs sont obligés d’en rééditer tous les ans, ce qui va à l’encontre de l'esprit de ces objets, qui sont censés être alternatifs au jetable.
Est-ce qu’on peut donc continuer à se tourner vers ces solutions, à condition de rompre avec le schéma de surconsommation ?
Je n’ai pas envie de décourager les gens qui débutent dans leur démarche et pour qui ces gestes constituent un premier pas. Il faut insister sur la possibilité, aujourd’hui, de se fournir en seconde main pour de très nombreux objets, via des boutiques spécialisées comme les ressourceries ou les boutiques Emmaüs, ou bien même auprès de proches qui pourraient ne plus avoir l’utilité de certaines choses. À la maison du zéro déchet, nous récupérons les tote bags que les gens n’utilisent plus pour les fournir aux gens qui y viennent et qui auraient oublié le leur.
Une interview réalisée en partenariat avec France Inter. Ecoutez la chronique Social Lab dans le player ci-dessous.
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