"Nous sommes le premier festival à afficher des convictions environnementales", déclarait en 2021 le délégué général du Festival de Cannes, Thierry Frémaux. Depuis, le festival international du cinéma affirme régulièrement son ambition de diminuer son impact sur l’environnement. Des annonces qui contrastent avec l’image fastueuse et luxueuse de l’évènement de la Croisette, source de critiques récurrentes.
Tapis rouge "upcyclé"
Avant même la cérémonie d’ouverture, les organisateurs ont mis en avant leurs engagements pour la planète : dématérialisation des billets et des publications, 100% de voitures officielles électriques, suppression des bouteilles d’eau en plastique, ou encore traiteurs "responsables".
La fréquence de remplacement du mythique tapis rouge a été divisée par deux, ce qui, selon le festival, a permis d’économiser près de 1 400 kg de matière. Usé, celui-ci est pour la première année "collecté par une association spécialisée dans le développement de l’économie circulaire et le réemploi de matériaux au sein du secteur culturel et éducatif de la région PACA".
Compensation carbone et jets privés
Il n’aura pourtant pas fallu plus d’un jour pour que les annonces écologiques du festival soient remises en cause. Le média en ligne Disclose a publié le 17 mai une enquête accusant le Festival de Cannes de "greenwashing". Les journalistes du site d'investigation ont révélé que 400 000 € ont été alloués à un programme au Zimbabwe pour compenser les émissions de la Croisette, dont les bénéfices pour le climat n’ont pas été prouvés. L’enquête a obligé la direction de l’évènement à abandonner "tous les crédits carbone basés sur la lutte contre la déforestation", sources de nombreuses polémiques, dès le 22 mai.
Ces programmes de compensation carbone ont été mis en place par le Festival de Cannes du fait de l’impact écologique du transport et logement des participants. Ceux-ci représentent, selon les chiffres du festival, "plus de 80 % de l’empreinte carbone de l’évènement". Les plus grandes stars de la planète ont en effet convergé vers les ports de la Côte d’Azur, pour certains en jets privés ou yachts de luxe. Dès le 20 mai, des militants ont multiplié les "actions coups de poing". Extinction Rébellion a par exemple empêché le décollage d’un jet privé à l’aide de voitures télécommandées et de fumigènes.
En plein #FestivaldeCannes2023, les activistes de #ExtinctionRebellion @AnvCop21 @attac_fr ont introduit sur le tarmac de l'aéroport de #Cannes-Mandelieu des voitures télécommandées munies de fumigènes barrant ainsi la route à un jet privé s'apprêtant à décoller 🛬#Cannes2023 pic.twitter.com/7T9RISbtfw
— Extinction Rebellion France 🐝🌺 (@xrFrance) May 20, 2023
Le même jour, les militants d’Attac ont déployé une banderole devant plusieurs yachts de luxe, sur laquelle était inscrit : "Ne laissons pas les ultra-riches détruire la planète". Dans un communiqué, l’association altermondialiste dénonce "un spectacle indécent, avec [d]es stars arrivant en jet privé avant d’aller prendre l’apéro sur un yacht".
Lent éveil écologique
"Si on ne se bouge pas le cul maintenant, on va perdre cette planète !" a assené l’acteur américain Harrison Ford sur le plateau de France 2 le dimanche 21. Si l’arrière-plan de l’interview, composé de bateaux de luxe, a pu faire tiquer la page Twitter Yacht CO2 tracker, les mots de la légende d’Hollywood relèvent les interrogations d’une industrie entière, vers des modes de production plus sobres.
Les images de l'itw sont celles du veux port de Cannes. D'après nos décomptes, si les yachts présents dans ce port le 20-05 avaient allumés leur moteurs en même temps, ils auraient brûlés 364 litres de gasoil pendant les 1 min 35 de l'interview. https://t.co/wXYBhCxfwH
— Yacht CO₂ tracker (@YachtCO2tracker) May 22, 2023
En ce sens, ce même dimanche, l’association Ecoprod a remis son prix éponyme, récompensant deux films "produits de la manière la plus écoresponsable possible". Alcide de Just Philippot a été salué "pour son engagement environnemental ambitieux et transversal". Le film d’anticipation traite de l’angoisse de la crise écologique, et a été produit en limitant les dépenses d’énergies et en préservant la nature. La chimera, de la réalisatrice italienne Alice Rohrwacher, a remporté le prix Ecoprod international, récompensé pour sa "démarche écoresponsable, très ambitieuse, véritablement ancrée sur le territoire", selon le site de l’association.
Ce prix vise à encourager une autre façon de produire des films, réutiliser les décors, diminuer les dépenses en énergies, ou préférer le train à l’avion pour se rendre sur le tournage. Cependant, sur les 80 films sélectionnés à Cannes, seuls onze ont postulé au prix Ecoprod. Un lent éveil, sous le soleil de la Méditerranée.
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