La Commission européenne a proposé en juin une loi imposant à chaque Etat membre des objectifs de restauration des écosystèmes (forêts, prairies, espaces marins...) abîmés par la pollution ou l'exploitation intensive. Le projet de législation impose des mesures de restauration d'ici 2030 sur 20% des zones terrestres et maritimes abîmées, puis d'ici 2050 sur leur totalité, en préservant drastiquement les "puits de carbone" naturels (forêts, tourbières...).
Réunis à Bruxelles au lendemain de l'accord historique à la COP15 biodiversité, les ministres européens ont salué unanimement le projet de la Commission, mais les modalités du texte suscitent des résistances. Le secrétaire d'Etat polonais Adam Guibourgé-Czetwertyński a regretté que les caractéristiques de chaque pays soient ignorées, et critiqué que le point de référence soit l'état naturel d'il y a 70 ans.
Il faut garantir des flexibilités aux Etats, permettant de contrôler les coûts, renforcer l'acceptation sociale et assurer la sécurité d'approvisionnement alimentaire et en matériaux.
Les forêts polonaises ont "augmenté de 50% en 70 ans", rendant inopérante la comparaison, et le texte "figerait les forêts dans leur état actuel", alors que Varsovie entend les renforcer avec de nouvelles essences d'arbres mieux adaptées au réchauffement climatique, fait-il valoir. "Cela manque de cohérence. On veut moins de plastiques, mais où trouvera-t-on les matériaux alternatifs si on restreint l'exploitation des zones boisées? La Commission prévoit de figer les surfaces de pâturage, alors qu'on aura besoin de davantage de terres pour produire des protéines végétales!", a-t-il objecté.
Un projet qui inquiète
En Finlande, dotée d'une puissante sylviculture, le projet inquiète: "Fixer des indicateurs uniformes ne permettra pas une application efficace et au meilleur coût (...) Il faut garantir des flexibilités aux Etats, permettant de contrôler les coûts, renforcer l'acceptation sociale et assurer la sécurité d'approvisionnement alimentaire et en matériaux", a souligné la ministre finlandaise Maria Ohisalo.
Le principe de non-détérioration "correspond à la nécessité de stopper l'érosion de la biodiversité (...) Je ne méconnais cependant pas les défis, notamment pour le milieu marin, pour lequel le besoin de connaissances préalables est considérable", a observé la secrétaire d'Etat française Bérangère Couillard.
Son homologue italien Gilberto Pichetto Fratin a réclamé "des financements spécifiques", voire "un fonds dédié", pour "vraiment soutenir les objectifs ambitieux du règlement", tout en demandant, à l'unisson de nombreux ministres, "d'impliquer toutes les parties prenantes des territoires concernés" -- agriculteurs, exploitants de forêts...
L'Autriche s'est inquiétée de voir le texte européen interférer avec les compétences nationales, tandis que Madrid demande une "approche équilibrée", jugeant qu'il "serait inacceptable que les États avec la plus grande biodiversité assument des coûts de restauration supérieurs". Le texte doit être finalisé courant 2023 au terme de négociations entre Etats et eurodéputés.
Avec AFP.