Le secteur aérien, qui représente 2 à 3 % des émissions mondiales de CO2, s'est engagé dans une politique de réduction drastique de ses émissions de dioxyde de carbone, principal gaz à effet de serre. Il vise ainsi le "zéro émission nette" d'ici à 2050.
La partie immergée de l'iceberg
Mais ce n'est que la face émergée de l'iceberg de l'impact climatique du transport aérien, estime l'ONG Transport & Environnement (T&E). Les scientifiques sont encore loin d'avoir des chiffres définitifs, mais "les émissions non-CO2 peuvent représenter jusqu'à deux tiers de l'impact de l'aviation sur le réchauffement climatique", affirme son directeur général, William Todts. Pourtant, regrette-t-il, "on ne s'en occupe pas".
Sans le quantifier précisément, l'Agence européenne de la sécurité aérienne (EASA) reconnaît elle aussi cet impact : "L'importance des incidences hors CO2 des activités aériennes sur le climat, dont on estimait jusqu'ici qu'elles étaient au moins aussi importantes au total que celles du seul CO2, est pleinement confirmée", affirme-t-elle dans un rapport de novembre 2020.
Ces effets sont produits principalement par les oxydes d'azote (NOx) et surtout les traînées de condensation, qui a elles seules en représentent 57 %, selon Marc Settler, professeur à l'Imperial College de Londres.
Loin des théories complotistes sur les "chemtrails", la formation de ces traînées blanches dans le sillage des avions est un phénomène connu : sous certaines conditions d'humidité et de température, les particules de suie s'encapsulent dans des cristaux de glace qui forment des traînées se transformant en cirrus, ces nuages d'altitude en forme de filaments blancs. Si elles ont un effet refroidissant en renvoyant vers l'espace une partie de l'énergie du soleil, elles empêchent les radiations provenant de la Terre de s'échapper.
Les traînées de condensation la nuit en hiver sont celles qui risquent d'être les plus réchauffantes."
"Les traînées de condensation la nuit en hiver sont celles qui risquent d'être les plus réchauffantes", explique Marc Settler, précisant que "la plupart" des vols n'entraînent pas la formation de traînées.
Les suies proviennent des molécules aromatiques, qui représentent 8 % à 25 % du volume de kérosène. Il est donc essentiel, note Marc Settler, d'avoir "plus d'informations sur la composition du carburant" des vols. Les carburants d'aviation durables (SAF) permettent de réduire les suies et donc les traînées de condensation. Pour Patrick Le Clercq, du centre de recherche aérospatiale allemand DLR, "utiliser un carburant qui réduit de 80 % les émissions de suies permet de baisser jusqu'à 50 %" l'impact des traînées sur le réchauffement. Mais, "même s'il n'y avait pas de suies dans le panache, il reste les particules de l'air ambiant" qui peuvent conduire à la formation de cristaux de glace, souligne-t-il.
Un futur avion à hydrogène - qui n'émet que de la vapeur d'eau - pourrait donc lui aussi être à l'origine de traînées de condensation, celles-ci se dissipant toutefois bien plus rapidement. Ces traînées ne se formant que dans des conditions d'humidité et de température données, il convient d'éviter les zones où elles sont susceptibles d'apparaître.
Une étude menée en 2020 dans l'espace aérien japonais a conclu que 2 % des vols étaient à l'origine de 80 % des traînées et qu'en dérouter 1,7 % pouvait les réduire de 59 %, sans impact sur la consommation de carburant. Un des enjeux est en effet d'adapter la trajectoire de l'avion sans consommer davantage de carburant, indique le directeur général de l'EASA, Patrick Ky.
Il peut suffire d'ordonner au pilote de voler 600 mètres plus haut ou plus bas pour éviter les zones propices à la formation de traînées. Le centre de contrôle aérien de Maastricht, qui gère l'espace aérien du Bénélux et du nord-ouest de l'Allemagne, a mené entre janvier et octobre 2021 une expérimentation visant à rediriger les avions selon les zones de formation de traînées. "On pense que (les zones de) traînées peuvent être évitées", estime Ilona Sitova, qui a dirigé cette étude. Mais, ajoute-t-elle, l'établissement de cartes de prévision de ces zones a été "plus compliqué que prévu et pas totalement fiable", et "nous avons besoin de davantage de recherches".
Avec AFP.
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