Le deep sea mining est encore juridiquement très mal encadré.
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Environnement

Qu’est-ce que le deep sea mining ?

Encouragée par la forte demande en minerais, l’exploitation minière cherche à se déployer jusque dans les fonds marins. Une pratique dont les conséquences, encore mal connues, s'avèrent désastreuses. Décryptage. 

Ces dernières années, la demande planétaire en minerais rares n’a fait qu’augmenter. Nécessaires à la transition énergétique, le lithium, le cobalt ou encore le graphite sont extrêmement convoités, poussant certains industriels à aller les chercher jusqu’au fond de l’océan

Le "deep sea mining", qui pourrait se traduire par "exploitation minière des fonds marins", consiste à racler le sol des océans à l’aide de machines comparables à des moissonneuses-batteuses, reliées à des plateformes off-shore. Celles-ci seraient déployées dans les zones marines les plus profondes, jusqu’à 5 km en dessous du niveau de la mer. 

Une telle profondeur se trouve le plus souvent hors des zones économiques exclusives (ZEE), ces parties de l’océan situées à moins de 200 milles marins (environ 370 km) des côtes, dont la gestion est confiée à l’État souverain le plus proche. En dehors de cette zone, on entre dans les eaux internationales, qui n'appartiennent à personne, créant un vide juridique. 

Protéger la haute mer 

Face à l’attractivité de ces ressources, l’ONU a adopté en mars 2023 le traité international pour la protection de la haute mer et de la biodiversité marine, un texte historique visant à protéger la faune et la flore sous-marines, tout en garantissant le partage égal des richesses des fonds océaniques. 

Les scientifiques sont pourtant unanimes : le lancement du deep sea mining à l’échelle mondiale aurait des conséquences irréversibles non seulement sur les écosystèmes marins, mais également sur l’ensemble du globe. En effet, au-delà de la pollution sonore, chimique et lumineuse générée par les machines dans un environnement encore relativement préservé de l’homme, les experts craignent que la fonction de puits de carbone de l’océan ne soit perturbée. 

D’après une étude de la Plateforme Océan & Climat, les océans ont absorbé environ 30 % des émissions de CO2 d’origine anthropique depuis 1870, ce qui représente 2,6 milliards de tonnes chaque année. Déstabiliser ce fragile équilibre risquerait d’altérer cette fonction, ou pire, de libérer le CO2 précédemment stocké. Il faut avoir en tête que les fonds marins sont des espaces encore extrêmement méconnus, moins bien cartographiés que la surface de la Lune, et qu’il est encore impossible de prévoir les conséquences exactes d’une telle perturbation.

Mais ce ne sont pas les seuls risques que présente le deep sea mining. Les sédiments soulevés par les machines risquent de se répandre jusqu’à la surface de l’eau, impactant l’ensemble de la chaîne alimentaire marine, au bout de laquelle se trouve l’homme. Enfin, les métaux ne sont pas extraits des fonds marins sous la même forme que ceux que nous trouvons sur Terre. Ils ressemblent à des petits cailloux noirs de la taille d’une pomme de terre, appelés nodules, et sont hautement radioactifs, pouvant dépasser de 100 à 1 000 fois la dose supportée par l’homme.

Une protection juridique lacunaire 

L’exploitation minière des fonds marins est censée être régulée par l’Autorité Internationale des Fonds Marins (AIFM), un organe de l’ONU créé en 1990 et basé à Kingston, en Jamaïque. Épinglée à de nombreuses reprises pour corruption et conflits d’intérêts, cette instance n’apporte qu’une protection juridique minimale. 

Face à cette vulnérabilité, ce sont les États eux-mêmes qui ont pris position. Emmanuel Macron avait surpris la communauté internationale en annonçant son soutien à l’interdiction du deep sea mining, à l’occasion de la Cop27. La France est à ce jour le seul pays à soutenir une telle position. 31 autres ont pris position en faveur d’un moratoire, c’est-à-dire d’une mise en pause sans échéance, ou d’une "pause précautionneuse."

32 pays ont officiellement rejeté le deep sea mining ces dernières années.
©The Deep Sea Conservation Coalition

Un seul pays a tenté de se lancer dans un projet d’exploitation minière : la Norvège. En juin 2023, elle annonçait vouloir ouvrir une zone de minage de près de 300 000 km², soit la même superficie que l’Italie, dans l’océan Arctique. Après deux ans de mobilisation d’activistes, notamment sur les réseaux sociaux, et une condamnation par le Parlement européen, la monarchie scandinave a fini par abandonner. En janvier 2025, son parlement se prononce seulement en faveur de l’exploration de la zone, et non de l’exploitation. Un sursis pour l’Arctique.