Le projet EACOP a pour but de transporter du pétrole de son lieu d'extraction en Ouganda jusqu'à l'océan Indien.
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Environnement

Qu’est-ce que le projet EACOP ?

TotalEnergies et son équivalent chinois CNOOC ont lancé la construction d’un pipeline de 1 400 km de long, traversant l’Ouganda et la Tanzanie. Un projet fortement contesté pour ses conséquences sur le climat, l’environnement et les populations locales. Décryptage. 

4 ONG de défense de l’environnement ont fait appel auprès de la cour de Justice d’Afrique de l’Est, à Kigali, au Rwanda, le 24 février. Elles dénoncent l'accord établi entre les gouvernements ougandais et tanzaniens avec 2 multinationales pétrolières, la française TotalEnergies et la chinoise China National Offshore Oil Corporation (CNOOC). 

Signé en 2017 et tenu secret jusqu’en 2020, cet accord permet la mise en place du projet EACOP, le plus long oléoduc chauffé du monde, reliant la région du lac Albert, en Ouganda, à l’océan Indien, en Tanzanie, sur plus de 1 400 km. L’oléoduc a pour but de transporter le pétrole brut extrait des sols tanzaniens vers les ports de la côte.

Le projet EACOP traverse l'Ouganda et la Tanzanie sur 1 400 km.
©TotalEnergies

Une bombe climatique

Ce projet fait partie des 425 bombes climatiques recensées par l’étude de Kühne & al. en 2022. Celle-ci répertorie l’ensemble des projets qui entraîneront au moins 1 milliard de tonnes d’émissions de gaz à effet de serre chacun au cours de leur durée de vie. 

L’extraction engendrée par la mise en route du projet entrainera l’émanation de plusieurs millions de tonnes de CO2 supplémentaires chaque année. Les militants avancent que de tels rejets iraient à l’encontre du respect de l’Accord de Paris, signé par les deux pays concernés. Ils rappellent également que l’une des recommandations phares du dernier rapport du GIEC est la sortie progressive de la dépendance aux énergies fossiles

Une menace pour l’environnement 

Au-delà de ses émissions de gaz à effet de serre, le projet représente une grande menace pour l’environnement tout au long de son tracé. L’extraction pétrolière aura lieu sur les rives du lac Albert, dans l’est de l’Ouganda. Une partie de celles-ci se trouvent dans les limites du parc des Murchison Falls. Classé zone naturelle protégée par l’Union internationale pour la conservation de la nature pour les 144 espèces de mammifères et 500 espèces d’oiseaux qu’il recèle, il est le plus visité du pays. Malgré cela, Total a reçu l’autorisation d’exploiter 10 % du parc.  

Une fois extrait, le pétrole sera acheminé à travers l’Ouganda et la Tanzanie par 1 400 km de pipeline. Son enfouissement requiert le déboisement d’un espace de 30 mètres de large, sur lequel seule de la petite végétation pourra repousser, les arbres risquant d’abîmer le matériel. Le projet traverse pourtant forêts, zones humides et mangroves

La déforestation des espaces naturels fait partie des activités qui aggravent nettement le réchauffement global de la planète, puisque les forêts sont l’un des principaux puits de carbone terrestre. Ainsi, on estime qu’un arbre absorbe 25 kg de CO2 chaque année. En France, ce sont 14 % des émissions nationales qui sont absorbées de cette façon, d’après l’Office national des forêts (ONF).

Enfin, l’arrivée de l’oléoduc, dans le port de Tanga, en Tanzanie, n’est pas non plus sans danger pour la biodiversité locale. En effet, la zone étant exposée aux catastrophes naturelles, comme les cyclones, les tsunamis et les tremblements de terre, les risques de fuite pétrolière sont élevés. Celles-ci, même minimes, seraient dramatiques pour les écosystèmes de la région. 

Un bilan humain catastrophique 

En plus d’avoir de sérieuses conséquences sur l’environnement et le climat, les populations locales sont aussi touchées en plein fouet par le projet. Celui-ci menace plus de 100 000 personnes d’expropriation. La plupart de ces habitants sont des agriculteurs dont ces terres, cultivées depuis plusieurs générations, sont la principale source de revenus. 

Le processus d’acquisition des terres a déjà commencé et le site officiel du mouvement "Stop Eacop" souligne que "les communautés font état d'un manque de transparence et de retards dans les compensations, ce qui a eu un impact sur les moyens de subsistance, a exacerbé l'insécurité alimentaire et a perturbé la fréquentation scolaire". Elles dénoncent aussi les tentatives de menaces et d’intimidations subies par ceux ayant refusé de quitter leur domicile. 

Total a réagi en expliquant que le projet constituait "un enjeu majeur de développement pour l’Ouganda et la Tanzanie" et assurait avoir mis "tout en œuvre pour en faire un projet exemplaire en termes de transparence, de prospérité partagée, de progrès économique et social, de développement durable, de prise en compte environnementale et de respect des droits humains".

L'appel actuellement étudié est le dernier recours possible pour les associations environnementales ougandaises et tanzaniennes. Les 21 plaintes précédentes ont cependant toutes échoué. La décision doit être rendue publique fin mars ou début avril. 

En France, un recours déposé par les Amis de la Terre et Survie contre Total a été jugé irrecevable en février 2023. Une autre procédure a été lancée auprès du tribunal judiciaire de Paris, en réparation des dommages subis par les personnes déplacées par le projet. L’instruction est toujours en cours.