Michèle Pappalardo, présidente du comité du label ISR.
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INFO PARTENAIRE

Michèle Pappalardo: "Le label ISR est un tampon qui certifie des fonds d'investissement ayant mis en place une démarche de durabilité exigeante"

Lancé en 2016 par le ministère de l’Économie et des Finances, le label ISR a connu cette année sa première réforme d’envergure. Destiné à le rendre plus exigeant, son nouveau référentiel est entré en vigueur le 1er mars 2024 pour les nouveaux fonds candidats, tandis que les quelque 1200 fonds déjà labellisés ont jusqu’au 1er janvier 2025 pour se mettre en conformité. Michèle Pappalardo, présidente du comité du label, revient entre autres dans cet échange sur les objectifs du label et sur les nouveautés apportées par la réforme.

Pouvez-vous rappeler ce qu’est le label ISR ?

Le label ISR est un tampon qui certifie non pas des entreprises ou des sociétés de gestion, mais des fonds d'investissement ayant mis en place une démarche de durabilité exigeante. Il garantit que ces fonds, lorsqu’ils investissent dans des entreprises, prennent en compte non seulement des critères financiers classiques mais aussi la façon dont les entreprises se comportent sur des sujets relatifs par exemple à la protection de l’environnement, au respect des salariés ou à la rémunération des dirigeants. Les fonds labellisés doivent ainsi intégrer de manière équilibrée dans leur stratégie d'investissement les dimensions environnementales, sociales et de gouvernance (ESG), tout en cherchant à obtenir un rendement financier.

Comment est-il attribué ?

L’attribution du label repose sur un référentiel dressant l’ensemble des exigences que les fonds doivent respecter. Ces derniers doivent notamment détailler leur stratégie et en particulier la façon dont ils définissent leur univers d’investissement et sélectionnent les entreprises dans lesquelles ils investissent.

Le label est remis par un organisme certificateur indépendant (Afnor, EY ou Deloitte), qui vérifie que le fonds candidat est en phase avec le référentiel. La labellisation se fait pour trois ans, mais le certificateur regarde chaque année si le fonds poursuit bien sa démarche.

Le premier référentiel du label datait de 2016, et depuis la finance durable a beaucoup évolué."

Une nouvelle version du référentiel est entrée en vigueur en mars 2024. Quelles sont les raisons de cette refonte ?

Le premier référentiel du label datait de 2016, et depuis la finance durable a beaucoup évolué. L’Europe notamment a réalisé des progrès significatifs en termes de réglementation et l’objectif de la réforme était de faire en sorte que le référentiel redevienne plus exigeant que la norme. Il ne faut pas oublier que la labellisation est une démarche volontaire, qui doit récompenser les efforts déployés par les acteurs en matière d’investissement responsable, au-delà de la règlementation.

Quels sont les principaux changements apportés par la réforme ?

Le nouveau référentiel apporte davantage de précisions sur ce qui est attendu de la part des gérants, le cadre est donc plus strict. Il renforce également le taux de sélectivité des fonds : désormais, ils doivent exclure de leur univers d’investissement initial les 30 % d’entreprises les moins bien notées en matière d'ESG, contre 20 % auparavant.

Il introduit également de nouvelles obligations en matière d’engagement actionnarial. Les fonds labellisés ne doivent pas seulement sélectionner les entreprises selon leur note ESG, ils doivent aussi encourager ces dernières à aller plus loin dans leurs démarches de durabilité, en leur fixant par exemple des objectifs précis.

Le nouveau référentiel apporte aussi des contraintes supplémentaires sur le volet climatique. Nous considérons qu’aujourd’hui une entreprise, quelle que soit son activité, ne peut pas avoir une démarche durable si elle ne se préoccupe pas en particulier de cette dimension. Par extension, les fonds labellisés, quelle que soit leur thématique, doivent désormais évaluer leur impact sur le climat. Le label exclut par ailleurs certaines entreprises dont les activités sont jugées incompatibles avec ces objectifs climatiques, notamment celles liées au charbon, à l’exploitation d’énergies fossiles non-conventionnelles, ou au lancement de nouveaux projets d’exploration, d’exploitation et de raffinage d’énergies fossiles (conventionnels et non-conventionnels). Il faut noter que toutes les activités liées aux énergies fossiles ne sont donc pas exclues du label : une entreprise impliquée dans les fossiles conventionnels, sans nouveau projet et présentant une démarche de réduction de cette activité cohérente avec l’Accord de Paris reste éligible.

Plus globalement, le label va également demander progressivement aux fonds d’investir dans des entreprises ayant des trajectoires de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre conformes à l'accord de Paris, dans tous les secteurs d’activité.

Quid de la performance, les fonds labellisés ISR sont-ils aussi rentables que les fonds classiques ? Présentent-ils plus de risques ?

Sur le risque, c'est plutôt l'inverse. Lorsque vous vous préoccupez de dimensions extra-financières de votre activité, vous intégrez mieux l’ensemble de ses impacts ainsi que les horizons à moyen/long terme ; vous pouvez donc mieux prendre en compte les risques pour votre activité. Par exemple, sur le plan de la gouvernance, adopter des mesures de lutte contre la corruption peut permettre de réduire les risques juridiques et les risques d’image pour une entreprise.

En termes de performances, tout dépend des fonds. En fonction des thématiques sur lesquelles ils investissent et de la qualité de la société de gestion, certains fonds labellisés seront très rentables et d'autres moins, comme pour les fonds classiques. D’un point de vue plus global, des études montrent que, sur le moyen/long terme, les fonds ayant une démarche durable sont plutôt plus performants.

Pour l'épargnant et l'investisseur, il est essentiel de certifier qu'au-delà des explications fournies par le fonds, des actions concrètes sont effectivement entreprises."

Où en sont les déclinaisons du label consacrées à l’immobilier et au capital-investissement ?

Pour les Sociétés Civiles de Placement Immobilier (SCPI), les Organismes de Placement Collectif en Immobilier (OPCI) et les autres Fonds d’Investissement Alternatif (FIA) immobiliers, une déclinaison du label ISR existe déjà depuis 2020, et une centaine de fonds immobiliers sont labellisés aujourd’hui. Le Comité du label travaille actuellement à une actualisation de cette version pour la rendre également plus exigeante.

En ce qui concerne le capital-investissement, il n'existe pas encore de label ISR consacré, mais nous allons travailler à partir de la rentrée 2024 sur un référentiel adapté aux spécificités de cette classe d’actifs. Aujourd’hui, beaucoup de fonds de capital investissement mettent en place des démarches très intéressantes en matière de durabilité, mais ils n'ont pas encore la possibilité d'être reconnus par un label. Pour l'épargnant et l'investisseur, il est essentiel de certifier qu'au-delà des explications fournies par le fonds, des actions concrètes sont effectivement mises en place.

Quelles questions poser à son conseiller financier avant d’investir dans un fonds labellisé ?

Réglementairement, votre conseiller bancaire ou assureur devrait systématiquement vous interroger sur vos préférences en matière de durabilité avant de vous proposer un placement financier. Vous pouvez donc préciser que vous souhaitez que votre argent soit investi dans des entreprises ayant une vision à moyen/long terme et qui accordent une importance particulière aux critères ESG. Vous pouvez également indiquer que vous souhaitez investir dans des fonds labellisés ISR, voire sur des thématiques très spécifiques.

Il faut noter qu’avec l'entrée en application du nouveau référentiel au 1er janvier 2025 pour les fonds déjà labellisés, il est possible qu’un certain nombre de fonds labellisés aujourd’hui perdent le label. Mais cela signifie que ceux qui le conserveront seront encore plus exigeants. 

En partenariat avec le label ISR