Alexandra Ferré, directrice impact et RSE chez Yves Rocher.
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Inspirations

Alexandra Ferré (Yves Rocher), ou comment "élever les standards" de l’industrie de la beauté vers plus de durabilité

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A 27 ans, Alexandra Ferré est directrice impact et RSE chez Yves Rocher. Pour ID, elle revient sur son parcours, sa vision de la RSE et les différents engagements pris par la marque pour réussir à relever le défi de la "durabilité".

Figurant dans le palmarès 2024 des "100 qui font la transition", réalisé par le magazine Décideurs, Alexandra Ferré est aujourd’hui présentée comme "l’une des figures montantes de la RSE".  

Entrée chez Yves Rocher en 2019 en tant que stagiaire chargée de projets développement durable - après un diplôme de Sciences Po Bordeaux et un master de recherche en relations internationales, elle a été nommée en 2022 directrice impact et RSE de la marque. Entretien. 

Qu’est-ce qui vous a poussée à travailler sur les sujets de RSE ? 

Ayant une formation de chercheuse en relations internationales, spécialisée sur la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MENA), mes études ne me prédestinaient pas nécessairement à me tourner vers la RSE.  

Toutefois, en travaillant sur le terrain avec des femmes dans des coopératives agricoles, j’ai pu toucher du doigt les questions d’intersectionnalité des luttes, notamment pour les droits des femmes, ainsi que les problématiques liées au réchauffement climatique. Face à ces enjeux, j'ai eu envie de dépasser le champ de la recherche afin de porter des solutions.  A la fin de mes études en Californie, j’ai décidé de me tourner vers le monde de l’entreprise.

Cela m’intéressait de voir comment les entreprises pouvaient être des leviers de transformation."

Je pense qu’elles ont beaucoup de rôle à jouer sur le business model, le système économique global, les imaginaires de société et les modèles de consommation, ce que l’on veut donner à voir et ce qui sera désirable dans le futur. Selon moi, elles peuvent également être des leviers plus rapides que les institutions, comme les Nations Unies et autres, pour mettre en place des changements directs. 

Vous avez rejoint Yves Rocher il y a maintenant six ans. Qu’est-ce qui vous a plu dans cette marque ? 

Tout d’abord, la forte proximité avec son histoire, et celle de son fondateur, Monsieur Yves Rocher, qui avait une vision assez claire de la beauté de demain, avec cette vocation à porter les plantes, la naturalité. On retrouve cette conviction au sein de l'entreprise. Nous avons une sorte de ténacité bretonne, une détermination à faire advenir notre vision, en tant que pionnier de la beauté responsable en France.  

En tant que directrice impact et RSE, quel est votre rôle ? 

Avec mon équipe, nous avons trois missions. La première porte sur la transformation de l’offre de produits et de services de la marque pour amener les consommateurs vers plus de durabilité. Dans le cadre du lancement du programme Act Beautiful en 2023, nous avons par exemple lancé des éco-recharges. En France, nous travaillons également sur la consigne. 

Nous avons ensuite un second volet qui porte sur le changement de notre chaîne de valeur, que ce soit notre industrie à La Gacilly, notre distribution, notre retail, notre filière, notre sourcing. C’est la partie invisible de l’iceberg.  

Enfin, en tant qu’entreprise à mission depuis 2019, nous avons la mission de "révéler, protéger et transmettre le pouvoir des plantes". Nous voulons que cela soit concret pour les collaborateurs que l’on engage sur le terrain avec la Fondation Yves Rocher, et demain pour les clients et citoyens afin qu’ils puissent agir pour la préservation du végétal. 

Quelle vision de la RSE souhaitez-vous défendre au sein de l’entreprise ? 

En prenant mes fonctions, j’ai eu envie de dépasser les enjeux réglementaires de réduction des impacts négatifs en montrant que l’on peut aussi générer des impacts positifs et de la transformation durable demain. Ce qui va distinguer les entreprises, c’est comment d’un champ de contraintes, de compliance, on va créer un champ d’opportunités, de stratégies d’entreprises porteuses pour les collaborateurs et le marché. 

Pouvez-vous donner un exemple ? 

Si l’on prend l’objectif fixé par la loi de réduction de 30 % du plastique d’ici 2030, nous allons appliquer cette réglementation à travers l’écoconception de nos produits mais aussi en portant des innovations duplicables pour le reste de l’industrie. En témoignent nos recharges qui permettent de réduire de 80 % l’impact plastique et surtout d’ouvrir des marchés, et des taux de pénétration de ces gestuels pour que d’autres marques s’en saisissent.  

Nous essayons également d’être dans des démarches proactives afin de ne pas attendre que la législation nous contraigne. En coalition avec une trentaine de marques, nous avons ainsi lancé en 2024 le Green Impact index, un affichage de l’impact environnemental et social des produits de beauté, de cosmétiques mais aussi de bien-être.  

L’objectif est de montrer aux pouvoirs publics français et européens que le marché de la beauté est prêt à adopter ce type d'affichage, nécessaire et générateur d’impacts positifs pour la transparence et la consommation responsable dans nos marchés."

Parmi toutes les initiatives créées par la marque, laquelle vous semble la plus "transformatrice" ? 

Il y en a plusieurs. Mais si je devais choisir, je dirais la marketplace engagée que nous avons lancée l’année dernière sur notre site e-commerce. A côté de nos produits, on retrouve des marques "amies" que nous avons sélectionnées pour leurs engagements RSE grâce à une charte et un questionnaire. Notre objectif est de les intégrer et de leur donner une base de consommateurs Yves Rocher pour les faire grandir.  

A travers cette initiative, nous voulons montrer que l’on peut réussir ensemble. 50 marques engagées sont aujourd’hui référencées sur cette marketplace. Nous travaillons avec elles pour les accompagner sur leur stratégie RSE et les rendre plus robustes. 

D’après vous, à quel principal défi est aujourd’hui confronté le secteur de la cosmétique ? 

Je dirais que c’est "le paradoxe de la consommation responsable". Si l’on s’appuie sur plusieurs baromètres, comme ceux de l’ADEME ou de l’Observatoire de la Consommation responsable, on remarque que 60 à 90 % des consommateurs se disent prêts à agir pour consommer mieux. Mais dans les faits, quand on regarde le marché de produits engagés, cela représente généralement entre 1 à 5 % des volumes de vente des entreprises.  

Chez Yves Rocher, nous essayons de réduire ce fossé de la consommation responsable, en proposant des alternatives aussi efficaces et accessibles que les produits classiques pour les consommateurs, et en les aidant dans le parcours marchand pour les inciter à aller vers ces produits. Cela passe par la formation des conseillères en magasin, la visibilité dans le retail...et le fait de travailler avec tout le secteur de l’industrie pour qu’il avance et adopte ces pratiques-là. 

Les engagements d’Yves Rocher d’ici 2030 en chiffres 

  • + 96 % d’ingrédients d’origine naturelle dans tous les soins 
  • + 90 % de produits vegan 
  • - 30 % d’utilisation de plastique, par rapport à 2019 
  • 100 % de plastique recyclé 
  • 100 % de packaging recyclable 

Source : Programme Act Beautiful 2023