Riche de ses différentes expériences comme ingénieur agronome, écologue et paysagiste concepteur, Giulio Giorgi a publié le 3 avril dernier, Botanique olfactive – "premier ouvrage à proposer une classification botanique fondée sur des critères olfactifs". Pour mieux comprendre son approche, ID l’a interrogé.
Pouvez-vous expliquer quel rôle joue l’olfaction dans notre perception de la nature ?
L’odorat va permettre de révéler les molécules volatiles qui permettent d’interpréter ce qu’il se passe dans la nature. Les plantes vont par exemple s'en servir pour communiquer avec les pollinisateurs afin d’assurer leur reproduction.
C'est un sens très primaire. On pourrait même dire que c’est le plus animal. D’un point de vue biologique, la connexion entre les récepteurs et le cerveau est notamment plus courte par rapport à la vue.
Quand on parle aujourd’hui d’odorat, c’est plutôt sous le prisme des nuisances (pollution...) ou odeurs artificielles. Comment l'analysez-vous ?
On peut expliquer cela par un processus d’hygiénisation qui a commencé il y a maintenant plusieurs siècles. La stérilisation progressive de notre environnement nous a permis d’améliorer notre santé mais nous a également poussés à nous éloigner des choses naturelles. Pendant longtemps, l’odorat a été négligé. On a même arrêté de l’utiliser dans certaines disciplines.
Mais depuis la pandémie, la culture olfactive commence à reprendre pied. Le Covid, qui a conduit certains malades à perdre leur odorat, a participé à resensibiliser à l’importance de ce sens.
L’odorat est également de plus en plus utilisé pour diagnostiquer certaines maladies. Les thérapies contre la dépression utilisent par exemple des matières odorantes pour recréer les circuits positifs dans le cerveau. Ce sens aide aussi à s’ancrer dans l’instant présent, à ouvrir un moment de calme et de conscience. Il peut offrir une forme de méditation.
Dans votre livre, vous invitez à reconnecter à la nature à travers l’odeur des végétaux. Pourquoi ?
Car je pense que notre lien à la terre, et à des organismes très différents de nous en termes d’évolution, peut être mieux compris à travers ce sens-là. Aujourd’hui, nous recevons beaucoup d’informations visuelles et numériques sur ce qu’il se passe dans le monde. Mais on voit bien que ce n’est suffisant pour mobiliser. Je défends ainsi une approche sensible de l’écologie.
Vous adressez votre livre au grand public mais aussi à des métiers particuliers comme les parfumeurs. Quel rôle peuvent-ils jouer pour nous aider à éduquer notre odorat ?
Du fait de leur expertise, les parfumeurs et les nez, qui travaillent aussi bien pour la cosmétique, la parfumerie que l’alimentaire, sont aujourd’hui les mieux placés pour décrire les odeurs. Cet ouvrage a été réalisé en collaboration avec eux mais aussi des scientifiques afin de créer des ponts entre ces disciplines et ainsi enrichir notre compréhension globale du monde vivant.