Les députés, qui examinaient le projet de loi controversé en commission des affaires économiques, ont validé le texte en lui apportant certains garde-fous, conformes aux attentes du groupe LREM, mais loin de satisfaire les opposants qui réclament son abandon pur et simple. Une partie d'entre eux avaient en milieu de journée manifesté leur colère à quelques encablures du Palais Bourbon, en organisant un happening de "577 abeilles", soit le nombre de députés à l'Assemblée nationale, sur l'esplanade des Invalides, au milieu de la fumée soufflée par des enfumoirs d'apiculteurs.
Dans une tribune publiée sur le site du Monde, quelque 150 personnalités de gauche et écologistes ont par ailleurs alerté sur le "recul démocratique majeur" et le "contresens historique" que constitue le projet de loi, conçu selon eux "sous la pression des lobbys de l'agriculture".
"Personne n'est pro-néonicotinoïdes", a défendu en commission des affaires économiques, le rapporteur LREM du texte, Grégory Besson-Moreau (Aube), selon qui la mesure n'est pas "un chèque en blanc" à la filière betteravière et programme "la fin des néonicotinoïdes" à l'horizon 2023.
L'article 53 pour déroger à l'interdiction
Face au danger de la "jaunisse de la betterave", transmise par un puceron vert vecteur du virus, qui se développe sur les cultures dont les semences n'ont pas été enrobées au préalable de cet insecticide néfaste pour les abeilles, la France prévoit des dérogations temporaires pour permettre à ses agriculteurs de le réutiliser. Le gouvernement s'appuie sur l'article 53 du règlement européen sur les phytosanitaires permettant de déroger à l'interdiction de certains produits lorsqu'il existe un "danger qui ne peut être maîtrisé par d'autres moyens raisonnables".
La baisse des rendements induite menace la pérennité de la filière sucrière française, qui emploie 46.000 personnes, dont une bonne partie dans des usines de transformation, estime la profession. "C'est une question de souveraineté", a mis en avant le ministre de l'Agriculture, Julien Denormandie, alors que 11 pays producteurs ont en Europe, autorisé les dérogations pour les néonicotinoïdes. Le ministre regrette l'absence "d'alternatives" mais selon lui, le projet de loi prépare la "transition".
Soutenu par LR mais pilonné à gauche et par le groupe Ecologie Démocratie Solidarité (EDS) emmené par l'ex-ministre de l'Environnement Delphine Batho, le projet de loi arrive au mauvais moment pour le gouvernement et LREM qui souhaitaient engager un virage écologique symbolisé par la convention citoyenne pour le climat.
Un conseil de surveillance
La commission a adopté six amendements dont quatre sur le fond bordant davantage la mesure controversée à laquelle certains "marcheurs", comme le député de Loire-Atlantique Yves Daniel, sont opposés. Ceux-ci visent à encadrer les dérogations par la création d'un conseil de surveillance où figureront quatre parlementaires. Il devra se réunir tous les trois mois et surveillera notamment "l'état d'avancement du plan de prévention mis en oeuvre par la filière de production betteravière".
Les députés ont en outre précisé que les dérogations visaient explicitement les betteraves sucrières, ce que le gouvernement avait certifié, sans vouloir l'inscrire dans le texte craignant une censure du conseil constitutionnel. En commission, les députés ont aussi voté pour interdire, après l'usage de néonicotinoïdes, les cultures attirant les pollinisateurs, durant un temps encore à déterminer. Le but est d'éviter l'exposition immédiate des insectes pollinisateurs aux résidus de produits chimiques. Par ailleurs, les députés doivent désormais débattre du texte en séance, le 5 octobre.
Avec AFP.
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