La transition énergétique est un enjeu fondamental de notre époque, particulièrement dans le secteur des mobilités. L’Europe s'est fixée un objectif ambitieux : mettre fin à la vente des véhicules thermiques d'ici 2035. Pour l’atteindre, il est essentiel d'explorer toutes les voies possibles de décarbonation, y compris les ressources que nous offre l’économie circulaire. Parmi celles-ci, la conversion des véhicules thermiques en véhicules électriques - le rétrofit automobile - apparaît comme une solution incontournable, et pourtant ignorée des principales réglementations écologiques automobiles.
En misant sur le rétrofit et l’économie circulaire, l’Europe peut se positionner en tant que leader des mobilités durables.
Convertir des véhicules thermiques existants en électriques offre un avantage écologique et social indéniable. Selon l'ADEME, le rétrofit permet de réduire de près de moitié les émissions de CO₂ par rapport à un véhicule électrique neuf de même taille, le tout pour un coût deux fois inférieur. Pour un euro dépensé, les émissions sont donc quatre fois moindres. En prolongeant la durée de vie des véhicules existants, le rétrofit fait ainsi entrer l’économie circulaire au cœur de l’industrie automobile.
Une réalité industrielle
Il ne s’agit pas là d’un concept ou d’un prototype : le rétrofit est déjà une réalité industrielle avec des produits homologués. En France, à l'usine Refactory de Flins, des véhicules utilitaires sont convertis en véhicules 100% électriques, démontrant la viabilité et l'efficacité de ce procédé à grande échelle. Des acteurs pionniers ont déjà adopté le rétrofit. De nombreuses entreprises et collectivités se sont engagées dans la conversion d’une partie de leur flotte de véhicules thermiques en électriques, réduisant ainsi leur empreinte carbone, tout en réalisant des économies substantielles par rapport à l’achat de véhicules électriques neufs.
En misant sur le rétrofit et l’économie circulaire, l’Europe peut se positionner en tant que leader des mobilités durables. Contrairement au récit dominant d’une Europe dépassée par les États-Unis et la Chine dans le domaine des véhicules électriques, le rétrofit offre une voie alternative et innovante pour répondre à la demande croissante en véhicules électriques qu’impose l’urgence écologique, mais aussi pour renforcer la capacité industrielle du continent. La pandémie de Covid-19 a souligné l'importance de la souveraineté industrielle et de la sécurité des chaînes d'approvisionnement. Le rétrofit permet de relocaliser une partie significative de la chaîne de valeur en Europe, réduisant ainsi notre dépendance aux importations. Cela renforce notre sécurité économique tout en créant des emplois locaux et durables.
la transition écologique ne se résume pas à une question de budget
Alors que tous les regards se portent actuellement sur l’examen du projet de loi de finances pour 2025, il est important de rappeler que la transition écologique ne se résume pas à une question de budget. Pour réussir une adoption à grande échelle, elle nécessite également une reconnaissance politique forte pour s’implémenter efficacement. Car, en dépit de tous ses avantages, le rétrofit se voit pénalisé par le cadre réglementaire actuel, qui peine à intégrer les externalités positives de l’économie circulaire. Par exemple, la loi CAFE (Corporate Average Fuel Economy), issue d’un accord conclu en 2013 entre le Parlement européen et la Commission européenne et entrée en vigueur en 2021, exige que les véhicules neufs émettent moins de 95 grammes de CO2 par kilomètre, un seuil amené à diminuer progressivement. Or, seuls les véhicules électriques neufs sont pris en compte dans ces quotas. Intégrer le rétrofit permettrait de reconnaître les véhicules convertis comme contribuant aux objectifs de décarbonation, offrant ainsi un éventail de solutions élargi aux citoyens pour décarboner leurs mobilités.
Des ajustements nécessaires
Cette évolution souhaitable de la norme CAFE n'est qu'un exemple des ajustements nécessaires pour apporter les vertus de l’économie circulaire au transport automobile. De même, une révision des réglementations actuelles, telles que les normes de charge utile, qui sont actuellement trop restrictives, faciliterait l'adoption du rétrofit par un plus grand nombre d’acteurs publics et d'entreprises.
Le soutien à l’économie circulaire dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques de décarbonation des transports représente à la fois l’opportunité de contribuer à la transition écologique et de renforcer une industrie pourvoyeuse d’emplois. Le rétrofit ne sera pas l’unique solution à la décarbonation des transports, mais il constitue une pièce maîtresse dans un ensemble plus large de mesures nécessaires. En prenant aujourd'hui les bonnes décisions, nous pouvons non seulement préserver notre souveraineté, mais aussi construire une Europe pionnière et exemplaire dans le domaine des mobilités décarbonées.
Signataire : Wadie Maaninou, co-fondateur et président de TOLV