Les marques concernées ont trois mois pour appliquer cette décision.
©Antonina Vlasova/antoninavlasova
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Fin du "jambon végétal" français : "on se tire une balle dans le pied"

Ce mardi 27 février, un décret interdit les appellations d'origine animale pour les produits d'origine végétale. Dans le viseur, les similis de viande produits sur le territoire français. Une décision que les marques concernées ne comprennent pas. ID a interviewé l'une d'entre elles.

Le "bacon végétal", le "steak de soja" ou la "saucisse vegan", c’est fini. Le ministère de l’Agriculture publie ce mardi 27 février un décret interdisant aux denrées d’origine végétale produites en France les dénominations historiquement réservées aux produits d’origine animale. En cause : la possibilité de tromper le consommateur.

Ce texte, porté par la loi étiquetage du 10 juin 2020, avait été suspendu par le Conseil d’État en 2022, avant d'être remanié. Nicolas Schweitzer, CEO de la marque de charcuterie végétale La Vie™ , avait participé au débat auprès du Conseil d’État. Aujourd'hui, il réagit sur cette décision.

Selon vous, quel est l’impact de cette décision sur le climat ?

Rappelons que 77 % des terres agricoles dans le monde sont utilisées pour nourrir les animaux terrestres, qui ne nous fournissent que 17 % des calories consommées. C’est la bioconversion : produire 1 kg de porc nécessite 9,3 kg de végétaux. Or, cela met une pression folle sur les animaux et l’environnement. 

Les études sur le climat, le bien-être animal, la santé… tout va dans le sens d’une réduction de la consommation de viande. La viande végétale constitue une des solutions. Par exemple, nous avons analysé le cycle de vie de nos produits : en comparaison avec les chiffres d’Agribalyse, ils émettent 78 % de CO2 en moins.

Les consommateurs se trompent-ils réellement ?

La justification donnée pour cette décision consiste à dire que les appellations comme "jambon végétal" sont trompeuses pour les consommateurs. Or, aucune étude ne va dans ce sens. La dénomination "steak de soja" existe depuis 70 ans et personne ne s’est jamais trompé. De même, il existe des lardons de canard ou du jambon de dinde.

Au contraire, nous pensons que remplacer "jambon végétal" par "tranches fines" est plus à même de tromper les consommateurs. La meilleure appellation est la plus explicite. Notre recommandation revient à garder les appellations d’origine animale, en obligeant d’ajouter la mention "végétal" dans la même police et taille.

N’est-ce pas une bonne chose pour les éleveurs français ?

Cette demande ne répond pas à une demande des agriculteurs mais des lobbies de la viande comme Interbev ou Inaporc. Je me suis rendu au Salon de l’Agriculture ce week-end et j’ai discuté avec des dizaines d’éleveurs. Si tous n’étaient pas d’accord sur ces appellations, pas un seul ne souhaitait une décision qui ne s’applique qu'à la France.

Car, en limitant cette décision aux produits français, le gouvernement décide de n'impacter que les marques qui ont fait le choix de produire en France. Il se tire une balle dans le pied, car il pénalise seulement les agriculteurs et les entreprises françaises. En plus, les consommateurs pourront toujours "se tromper" avec les produits similaires venus d'ailleurs, ce qui rend cette décision d’autant plus illogique. C’est désolant que pour l’un des leviers de la baisse de l’empreinte carbone, on n’incite pas les acteurs à produire en France.

Quelle est la suite pour vous ?

Nous avons trois mois pour modifier tous nos packagings. Mais avant, un collectif, dont nous faisons partie, se crée pour de nouveau saisir le Conseil d’État. En effet, en 2022, ce dernier avait remis la décision à la Cour de justice de l'Union européenne. Or, en publiant ce décret, le gouvernement casse la procédure en cours. Nous espérons que la décision sera de nouveau suspendue. La raison légale, au niveau européen, est que lorsqu’il n’y a pas de dénomination encadrée pour un aliment, l’appellation d’usage s’applique.

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