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Finance durable

En 2022, les fonds responsables n'échappent pas aux tempêtes des marchés

Moins d'argent collecté, moins de rendement et toujours de nombreuses questions de méthode: les fonds se voulant plus respectueux de l'environnement sont loin de leur performance des dernières années, mais les gérants parient que le repli sera provisoire.

Le vert est moins à la mode : sur le deuxième trimestre 2022, et pour la première fois depuis cinq ans, les retraits d'argent dans les fonds durables aux Etats-Unis ont été supérieurs aux entrées, selon le fournisseur de données spécialisé Morningstar. Avec la baisse des marchés, les encours des fonds durables américains sont revenus à leur niveau du premier trimestre 2021. Et si les investissements durables font encore un peu mieux que le marché américain en général, l'écart est le plus faible depuis trois ans, selon la même source.

En Europe, la tendance est la même: les fonds dits "article 8" dans la récente réglementation européenne sur la finance verte (SFDR), qui "promeuvent des caractéristiques environnementales ou sociales" dans leur communication, ont aussi subi plus de retraits financiers que d'entrées sur les sept premiers mois de l'année. Cette tendance est même légèrement plus marquée que sur les autres fonds (dit "article 6" ou dont non-catégorisés par Morningstar), où les retraits financiers sont proportionnellement plus faibles (équivalent à 1,89 % des encours, contre 2,28% pour les fonds "articles 8").

Seuls les fonds les plus avancés dans la prise en compte du réchauffement climatique, répondant à "l'article 9" de la même législation, ont été attractifs, mais leur taille reste marginale sur le marché (4 % des encours). En terme de performances, les entreprises qui ont le mieux réussi sur le marché en 2022 ont des activités dans les matières premières ou la défense, autant de secteurs traditionnellement écartés par les fonds dits "responsables".

Nouvelle configuration du marché

Une des raisons de cette perte de vitesse est le poids des entreprises technologiques dans les critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance), l'acronyme très utilisé par les acteurs des marchés pour englober les fonds incluant des indicateurs durables. Dans ce secteur, la croissance s'obtient par des innovations et de lourds investissements, rendus plus simples quand les taux d'intérêt sont bas, comme lors des dernières années. Or, la brutale remontée des taux d'intérêt en 2022 a mis fin à la folle ascension des cours en Bourse des entreprises technologiques.

Désormais, les gérants essaient d'investir dans des entreprises "qui réagissent mieux à la remontée des taux" sur les marchés, détaille Guillaume Lasserre, directeur adjoint de la gestion pour La Banque Postale Asset management. Ce sont par exemple des entreprises liées aux activités industrielles. Ce changement "est un sujet" pour les investissements responsables car moins d'entreprises dans l'industrie ou les énergies fossiles respectent les critères ESG. "Mais on en trouve, par exemple dans les matériaux verts ou la rénovation des bâtiments", poursuit M. Lasserre.

Par exemple, sur un de ses fonds phares sur le sujet, la société de gestion DNCA, "a fait le choix de réduire les investissements dans la thématique santé au profit de thématiques plus industrielles, comme le packaging recyclé", illustre Léa Dunand-Chatellet, une des gérantes. Mais pour elle, "il ne faut pas céder à la panique dans les investissements" responsables après quelques mois de moins bonnes performances.

"Pression réglementaire"

D'une manière générale, l'appétit des petits épargnants pour l'ESG actuellement "est contrebalancé" par le contexte économique, constate Vincent Valles, responsable de la distribution en France du gérant d'actifs DPAM. En revanche, selon lui, "les investisseurs institutionnels", comme les fonds de pensions ou les poids lourds de la gestion d'actifs, sont soumis à "une pression réglementaire forte pour qu'ils aient une stratégie ESG", notamment en Europe.

Souvent accusé de fausses promesses, le secteur financier attend encore lois, labels et critères pour standardiser les pratiques. "L'un des défis est le manque d'indices sur les investissements durables auxquels se comparer", regrette Amanda Young, responsable des investissements durables chez Abrdn, un important gestionnaire d'actifs anglais.

Aux Etats-Unis, le gendarme boursier a créé en 2021 une équipe dédiée à la traque des infractions aux règles sur l'investissement responsable. Il a infligé en mai une amende de 1,5 million de dollars à un conseiller financier de la banque de BNY Mellon pour avoir fait des déclarations inexactes à ses clients sur les critères ESG.

Avec AFP.