Le débat public sur les grands projets d'aménagement, grand perdant de la simplification.
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Politique

Débat public sur les grands projets industriels : "il ne faut ni retarder les projets, ni sacrifier la démocratie"

Supprimer ou réduire les compétences de la Commission nationale du débat public (CNDP) concernant l'implantation de grands projets industriels compromet le "droit à l'information et à la participation des citoyens", juge vendredi sa vice-présidente, Ilaria Casillo dans un entretien à l'AFP.

La CNDP, créée par la "loi Barnier" de 1995, permet au public d'être informé et de participer aux débats sur les projets, notamment industriels, qui ont un impact sur l'environnement.

Elle est obligatoirement saisie pour organiser une consultation sur les projets industriels dont le coût excède 600 millions d'euros.

Trente ans après sa création, ironie du sort, c'est le même Michel Barnier, cette fois Premier ministre, qui a pris un projet de décret excluant les projets industriels des compétences de la CNDP, le jour-même de la censure de son gouvernement.

Si le texte a été retoqué devant le Conseil d'Etat, l'examen du projet de loi simplification prévu début avril en séance à l'Assemblée nationale pourrait offrir au gouvernement une occasion de sabrer dans les compétences de cette autorité administrative indépendante.

"On cherche à empêcher la parole citoyenne"

Pour ses détracteurs, elle incarne les complexités de l'administration : accusée d'entraver l'implantation de projets industriels, ou tancée pour le délai des procédures. Le ministre de la Fonction publique et de la simplification, Laurent Marcangeli, s'est d'ailleurs récemment prononcé en faveur de sa suppression pure et simple.

"Quand on attaque la CNDP, au-delà de l'institution, on attaque la possibilité de tout un chacun d'être informé, de pouvoir s'exprimer", défend Ilaria Casillo.

Et "s'il y a un sujet qui mérite d'être débattu, c'est bien celui des conséquences de ces grands projets industriels pour l'environnement, pour les contribuables, pour le cadre de vie", défend la vice présidente de la CNDP.

"Qu'est-ce qu'on cherche à fermer en réalité ? On cherche à empêcher la parole citoyenne" et le débat public, juge-t-elle.

Débat contradictoire

Régulièrement accusée d'être le réceptacle des oppositions, la CNDP explique au contraire associer l'ensemble des citoyens : "collectivités, riverains, élus, opposants, c'est notre marque de fabrique de parler et d'écouter tout le monde", égrène Ilaria Casillo.

En trente ans d'existence, "pas un seul de nos bilans ou de nos compte-rendus n'a été attaqué devant la justice", et "si on avait pris position, ou poussé pour telle ou telle chose, ça se verrait", assure-t-elle

"On agit toujours de manière indépendante et neutre. La CNDP n'est là ni pour faire passer la pilule des projets, ni pour faire en sorte qu'ils soient abandonnés (...) nous faisons ce que nous avons toujours fait : donner à voir tous les arguments", abonde Ilaria Casillo.

Et sur la durée des débats? "Le débat public intervient très en amont" de la mise en oeuvre d'un projet explique Ilaria Casillo: "On ne peut pas faire durer les débats publics plus de 4 mois, exceptionnellement on peut atteindre 6 mois, mais il faut motiver cette décision, c'est très encadré par la loi".

Et "quatre mois, dans la vie de projets qui coûtent des milliards et vont avoir des conséquences, c'est très peu", poursuit la vice-présidente de la CNDP.

Actant la forte demande en matière de simplification, elle assure que la CNDP n'a jamais fermé la porte à une réforme de son fonctionnement, mais fait valoir qu'il "ne faut ni retarder les projets, ni sacrifier la démocratie".

De nos jours, "on a de plus en plus de mal à intégrer la critique sociale dans la décision publique", regrette-t-elle, et "le réflexe de certains élus peut être de dire 'j'évite tout espace ou procédure qui me confronte à cette parole contraire'".

"Nous ne sommes pas une machine à opposition, et il y a chez nous des dissensus féconds (...) qui font avancer", conclut-elle.

Avec AFP.