+25 % d’utilisation de pesticides depuis le lancement d’Ecophyto. C’est le constat fait 15 ans après le début du plan gouvernemental visant à réduire drastiquement la consommation française de pesticides, aussi appelés produits phytosanitaires. L’objectif initial était de réduire leur utilisation de 50 % d’ici 2018. Mesurés en NODU (nombre de doses unités), afin de prendre en compte à la fois le volume vendu et l’efficacité des substances, ces produits se déclinent en 3 types : herbicides, insecticides et fongicides (contre les champignons).
Copieusement utilisés en agriculture depuis les années 50, la science met toutefois en garde contre leurs effets indésirables depuis plusieurs décennies. L’exposition à ces produits est reconnue responsable d’un certain nombre de cancers. Si les agriculteurs sont les premiers touchés, c’est également le cas de leurs proches, des riverains des exploitations agricoles ou encore d’autres professionnels. Ainsi, Emmy Marivain, 11 ans, est décédée en 2022 d’une leucémie après avoir été exposée à des pesticides in utero, alors que sa mère exerçait comme fleuriste. Elle est la première enfant dont le décès est reconnu par le Fonds d’investissement des victimes de pesticides (FIVP).
Un usage que la France peine à limiter
Ecophyto, première initiative française visant à réduire l’usage des pesticides sur son territoire, est lancé en 2008 par le ministère de l’Agriculture et de la Pêche, alors dirigé par Michel Barnier. On compte aujourd’hui quatre "stratégies" Ecophyto. La dernière en date, Ecophyto 2030, est annoncée en mai 2024 par Gabriel Attal, fraîchement nommé Premier ministre. L’initiative peine toutefois à montrer ses premiers résultats, 17 ans après son lancement. Une note du ministère de la Transition écologique indique que la quantité de pesticides vendus en France avait augmenté de 22 % entre 2017 et 2018.
Ralentir l’utilisation des pesticides n’est toutefois pas si simple. En France, leur usage par des particuliers est interdit depuis le 2019 et fortement régulé pour les établissements publics depuis 2017. Une Zone de non-traitement (ZNT) faisant de 5 à 20 mètres doit aussi être maintenue entre les zones d’épandage et les points d’eau. Toutefois, si la mise en marché d’un produit phytosanitaire doit être validée par l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail), sa commercialisation est régulée au niveau européen.
Le glyphosate renouvelé pour 10 ans
Février 2024. Après des mois de négociations et aucun accord trouvé entre les 27 Etats membres de l’Union européenne, la Commission européenne décide de renouveler l’autorisation de commercialisation du glyphosate. Ce puissant herbicide, commercialisé par Monsanto sous le nom de Roundup, est pourtant classé "cancérigène probable" par le Centre international de recherche sur le cancer (CICR), organe de l’Organisation mondiale de la Santé.
La France, l’Allemagne et l’Italie, les trois puissances agricoles majeures de l’Union Européenne, se sont abstenues lors du vote, permettant à la Commission d’être seule arbitre de la décision. L’interdiction de l’herbicide faisait pourtant partie des grandes promesses de campagne d’Emmanuel Macron en 2017.
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Réduire de 50% l’usage des pesticides en Europe d’ici 2030 était l’objectif de la stratégie "De la ferme à la table", déclinaison alimentaire du Pacte vert, lancé en 2019 par la Commission européenne dans le but d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Le règlement est toutefois abandonné en 2022 par Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne. Elle avait néanmoins assuré que la question n’avait pas disparu de son agenda politique.