A Grenoble, le 24 octobre 2019.
JEAN-PIERRE CLATOT/AFP
Dossier

Rénovation énergétique : où en est "le chantier du siècle" ?

Article réservé aux abonnés

Malgré une prise de conscience et quelques progrès encourageants, la rénovation énergétique des logements et des bâtiments publics piétine encore en France. De la simplification des aides à la formation de la main d’oeuvre, plusieurs défis restent à relever. Eclairage. 

8,6 milliards. C’est le montant dépensé chaque année pour la rénovation énergétique. Érigée en "priorité nationale" depuis 2017 dans le cadre du plan Climat, celle-ci désigne l'ensemble des travaux visant à réduire la consommation énergétique des logements et des bâtiments publics. A l’heure du réchauffement climatique, l’objectif est multiple. En plus de diminuer la facture des Français, la réalisation de travaux de rénovation doit permettre de limiter les émissions de gaz à effet de serre générées par le secteur du bâtiment - le deuxième le plus polluant en France, avec 27 % des émissions de CO2. Face à la hausse des températures et l’augmentation des vagues de chaleur, l’adaptation du bâti devient également primordiale pour assurer un bon confort thermique aux habitants.  

Riche de ces constats, le gouvernement a promis la rénovation de 370 000 logements par an et 700 000 à partir de 2030. L’accent est notamment mis sur les passoires thermiques, ces habitations mal isolées et gourmandes en énergie. Selon le bilan annuel de l’Observatoire national de la rénovation énergétique (ONRE), la France en compte 6,6 millions au total au 1er janvier 2023 contre 7,1 millions en 2022, soit une baisse de 7 %. L’observatoire se fonde sur les DPE (diagnostics de performance énergétique) réalisés entre octobre 2022 et mars 2023 (soit 915 000 diagnostics). 

Des résultats en demi-teinte 

Des résultats encourageants mais encore insuffisants face à l’ampleur du défi. Au-delà des passoires énergétiques, l’ensemble du parc de logements doit être transformé d’ici 2050 afin d’atteindre le niveau de performance "Bâtiment Basse Consommation". Cela représente environ 35 millions de logements. Problème : "la politique publique de rénovation énergétique des logements est toujours en chantier", déplore la Commission d’enquête rénovation énergétique du Sénat dans un rapport remis le 5 juillet dernier. 

Remplacé par le crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) et mis en place en 2020 pour permettre à tous les propriétaires, y compris les plus modestes, de financer des travaux de rénovation et d’isolation, le dispositif MaPrimeRenov’ est notamment pointé du doigt.

Sans qu’il faille généraliser, la demande d’une aide MaPrimeRénov’ a pu virer au cauchemar en raison d’un système entièrement dématérialisé, sans droit à l’erreur, aux allures kafkaïennes. A l’issue, des demandes restent insatisfaites et d’autres aboutissent à des montants moindres qu’espérés”, soulignent les auteurs du rapport.  

Le système est également fragilisé par une forte hausse des fraudes. En 2023, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a reçu 17 000 signalements liés à la rénovation énergétique. 

Par ailleurs, si la commission note de "réels progrès" en matière de rénovation depuis 2017, le nombre de rénovations globales reste très inférieur aux objectifs. La plupart des travaux financés n’entrainent par exemple qu’un simple changement de chauffage au profit d’une pompe à chaleur. "C’est positif en termes de décarbonation, mais cela ne contribue pas à faire disparaître les passoires ou à réduire la précarité énergétique, si rien n’est fait pour l’isolation du logement. Cela peut également être dangereux pour la stabilité du réseau électrique en accroissant la demande les jours de pointe ou en généralisant la climatisation", précisent les auteurs. 

Des évolutions prévues pour 2024 

Face à ces nombreuses critiques, le gouvernement a revu sa copie et a annoncé en juin dernier plusieurs mesures afin de renforcer le dispositif. Cela passe notamment par la création d’un pilier "performance". "Les barèmes seront rendus plus incitatifs, en vue de s’approcher d’un reste à charge minimal pour les ménages les plus modestes s’engageant dans des rénovations d’ampleur", avaient indiqué les ministres Christophe Béchu, Agnès Pannier-Runacher et Olivier Klein dans un communiqué de presse. Un autre pilier, intitulé "efficacité", doit permettre de poursuivre les aides MaPrimeRénov’ pour "les changements de chaudières et les petits bouquets de travaux combinant des gestes d’isolation et d’équipement de chauffage décarboné." 

Un accompagnement personnalisé sera également obligatoire via MonAccompagnateurRenov’. Une prestation qui doit être entièrement prise en charge pour les ménages "très modestes sur tout le territoire", et qui sera financée grâce à une enveloppe de 300 millions d’euros débloquée sur deux à trois ans.  

Mais au-delà des aides publiques, c’est toute une filière qu’il faut consolider. Publié le 4 octobre dernier, un rapport de l’Assemblée nationale, déposé par la mission d’information commune sur la rénovation énergétique des bâtiments, insiste sur l'importance pour le pays de se doter des "ressources humaines et matérielles nécessaires à la réalisation de ce qui constituera l’un des plus grands chantiers du siècle". 

En quête de main d’oeuvre qualifiée 

D’après ce document, le nombre d’entreprises "possédant des qualifications susceptibles d’être en rapport avec les exigences de la rénovation énergétique", demeure trop faible. Lors d’une audition au Sénat, le 13 février 2023, Emmanuelle Wargon, présidente de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) et ancienne ministre du Logement, avait déclaré que le nombre d’artisans qualifiés stagnait à "plus ou moins 10 ou 15 % de son niveau potentiel". Afin d’assurer la rénovation énergétique de l’ensemble du parc immobilier, de nouveaux postes doivent donc être créés. Selon France Stratégie, il faudrait entre 170 000 et 250 000 emplois supplémentaires d’ici 2030. La question de la formation ne doit pas non plus être négligée. 

Dans la perspective d’une accélération de la rénovation énergétique des bâtiments, l’adaptation des connaissances et des savoir-faire compte tout autant que le nombre et la disponibilité des entreprises et des professionnels”, appuient les auteurs du rapport de l’Assemblée nationale. 

S'il reste encore beaucoup à faire du côté des logements, la tâche se révèle d’autant plus colossale lorsqu’on se penche sur le chantier des bâtiments publics. 400 millions de mètres carrés doivent être rénovés. La priorité concerne surtout les établissements scolaires qui représentent aujourd’hui 45 % du patrimoine des collectivités territoriales. Concrètement, cela englobe 51 000 écoles, collèges et lycées publics dont une majorité ne répondent pas aux normes environnementales. 

Le point noir des écoles

Dans un entretien accordé à 20 minutes, le 26 avril dernier, l’ancien ministre de l’Education nationale, Pap Ndiaye, estimait que seulement 20 % du bâti scolaire avait bénéficié d’une rénovation énergétique, et 10 % présentait une vétusté importante. Face à l’augmentation des canicules et l’intensification des vagues de chaleur ces dernières années, l’amélioration de l’isolation des salles de classes se révèle pourtant essentielle.

Conscient de l’urgence du dossier, le gouvernement a annoncé en mai un grand plan de rénovation des écoles. 2 milliards d’euros ont ainsi été mobilisés par la Banque des territoires, dans le cadre du programme EduRénov, afin de financer des projets de rénovation énergétique et d’adaptation climatique des bâtiments scolaires. Ce dispositif doit notamment permettre la rénovation de 10 000 établissements d’ici à 2027 et de réduire d’au moins 40 % leur consommation énergétique.  

Le 5 septembre, le président de la République, Emmanuel Macron a par ailleurs promis pour 2024 le déblocage de 500 millions euros du fonds vert, un outil destiné à accélérer la transition écologique dans les territoires. Objectif affiché : rénover 40 000 écoles d’ici 2034. La course contre la montre est lancée. 

Cet article est extrait de notre dossier spécial : "Changement climatique : comment la France prépare l'avenir". A découvrir ici !

Vous avez apprécié cette information ? Abonnez-vous à notre newsletter en cliquant ici ! 

Pour aller plus loin et agir à votre échelle, découvrez notre guide Idées Pratiques #13 : "Sport et écologie : mode d’emploi”. 

Au sommaire : enjeux, analyses, entretien décryptages... 68 pages pour faire du sport en étant écolo au quotidien ! 

Cliquez ici pour découvrir et commander votre guide Idées Pratiques. 

#TousActeurs 

* Offre sans engagement valable pour toute nouvelle souscription d’un abonnement à l’Infodurable. Au-delà du 1er mois, à défaut de résiliation, reconduction tacite de l'abonnement à 6,90€ par mois. Le client peut à tout moment demander la résiliation de son abonnement. Cette résiliation prendra effet le dernier jour de la période d'abonnement en cours.
Pour toute question, vous pouvez contacter notre service client par mail contact@linfodurable.fr.