Depuis la rentrée, les punaises de lit sont sous le feu des projecteurs. Les vidéos montrant ces nuisibles dans des lieux publics prolifèrent sur les réseaux sociaux et le flux médiatique qui les accompagne renforce la peur d'être infesté par ces petites bêtes suceuses de sang.
Pourtant, le sujet n'est pas nouveau : une recrudescence des punaises de lit est observée depuis le début des années 90. Une accélération du phénomène a toutefois été observée ces dernières années. Une étude de l'ANSES, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, a révélé qu'entre 2017 et 2022, un foyer français sur dix a été infesté par ces nuisibles. Une recrudescence en grande partie due à l'augmentation des voyages et à la résistance croissante des punaises aux insecticides.
À tort ou à raison, la récente obsession pour les punaises de lit a commencé à influencer nos comportements quotidiens. Il est devenu courant de vérifier méticuleusement les sièges dans les transports en commun, d'éprouver de l'appréhension à l'idée de se rendre au cinéma ou d'inspecter minutieusement notre lit à la moindre piqûre suspecte. Mais cette appréhension pourrait-elle également avoir un impact sur nos habitudes de consommation et plus particulièrement sur nos achats d’occasion ? Témoignages de celles et ceux qui consomment et travaillent dans l’univers de la seconde main.
L’occasion, un secteur en pleine expansion
Le seconde-main, c'est écologique, économique et stylé." - Guillaume, 25 ans
Le marché de la seconde main connaît un boom remarquable. Entre 2009 et 2018, la proportion de Français achetant des articles d'occasion est passée de 25 % à 48 %. Les motivations qui incitent les consommateurs à se tourner vers l'occasion sont multiples, mais parmi les plus fréquentes, on retrouve des considérations liées au prix, à l' environnement et au style.
Au cœur du concept de la seconde main se trouve l'idée de prolonger la durée de vie des biens de consommation en leur offrant plusieurs vies. Par essence, cette pratique est un vecteur potentiel de transmission des punaises. En 2021, une étude réalisée par IPSOS a révélé que le marché de l’occasion était à l'origine de 10 % des nouvelles infestations de punaises de lit. Un chiffre significatif, certes, mais bien loin derrière les principales sources de contamination, à savoir les voyages (44 %), les interactions avec les proches (30 %) et les aménagements dans des lieux préalablement infestés (20 %).
Un frein pour le marché de la seconde main ?
"J'ai eu des punaises de lit dont j'ai eu des difficultés à me débarrasser, depuis je suis beaucoup plus méfiante", partage Jeanne, 28 ans. Cela ne l'empêche pas de continuer à acheter des articles d'occasion. "Je le fais quand même, mais l'aspect économique entre en jeu. Si je pouvais avoir le même article au même prix en neuf, je ne sais pas si j'achèterais en neuf ou en seconde main. Avec la peur des punaises de lit, je suis peut-être un peu moins écolo." Guillaume, 25 ans, également confronté aux punaises de lit par le passé, contrebalance : "Je lave beaucoup plus, je fais beaucoup plus attention, mais c'est toujours ma première source d'achat."
Tous les autres consommateurs de seconde main que nous avons rencontrés partagent le même sentiment : ils continuent à acheter des articles d'occasion, mais sont désormais plus vigilants.
À l'image de Leïla, 25 ans, les amateurs de seconde main semblent faire confiance aux professionnels de ce secteur pour leur fournir des biens de consommation sains. Elle explique : "J'achète pratiquement tout en friperies et en ressourceries. Mon idée est de me dire que si la friperie est infestée, les employés auraient rapidement été contaminés, et puis, c'est leur métier."
Une problématique pas nouvelle
Du côté des professionnels, on ne constate pas non plus de changements notables. Raphaëlle travaille pour le service client d'une marketplace de vêtements vintage et nous partage son étonnement : "Je n'ai rien reçu à ce sujet avant il y a deux jours, quand une cliente m'a demandé si je devais mettre mon manteau au congélateur, comme l'indiquaient les informations." Même son de cloche chez Emmaüs, qui nous écrit qu'aucune de leurs structures n'a fait remonter un problème de contamination.
Pour les professionnels, les nuisibles et les mesures pour les éviter font partie du quotidien " - Raphaëlle, responsable du service client d'une marketplace vintage
La question des nuisibles n'est pas nouvelle pour les professionnels de la seconde main. Valentin, propriétaire d'une marque d'upcycling, nous explique que dans son métier l'étape de tri est cruciale et ne doit pas être négligée. "Il faut vérifier l’état des vêtements et si on y trouve des insectes, ce qui peut arriver de temps en temps quand on se fournit dans des grands entrepôts ou auprès de particuliers pas très regardant sur leur stock de produits". Il souligne également que les punaises de lit ne prospèrent pas particulièrement dans ce type d'environnement : "Elles ont besoin d'humains pour vivre !"
Dans l'écosystème de la seconde main, le commerce professionnel est loin d'être le seul vecteur de vente. À côté des vide-greniers traditionnels, la vente de particulier à particulier en ligne explose. À titre d’exemple, en 2022, la plateforme Vinted revendiquait 19 millions d’utilisateurs en France. Dans ce type de vente, le professionnalisme ne peut plus venir rassurer les consommateurs. Toutefois, les acheteurs que nous interrogeons assurent continuer d'acheter à la même fréquence, prenant simplement plus de précautions lors de la réception de leurs achats. Jeanne raconte : "La dernière fois, j'ai déballé une jupe dans la baignoire, je l'ai secouée et je l'ai inspectée sous tous les angles."
Tout ce qui est literie, c’est sûr que je n’accepterai plus" - Jeanne, 28 ans
Tous les types de biens n'inspirent pas la même confiance ou défiance aux consommateurs. En particulier, la literie semble être un objet de consommation repoussant trop associé au risque d'être infesté par une de ces bestioles. "J'ai déjà eu un matelas de seconde main, mais maintenant tout ce qui est literie, c'est sûr que je n'accepterai plus", assure Jeanne.
En mai dernier, bien avant la frénésie des punaises de lit, le magazine 60 millions de consommateurs publiait une enquête sur les biens de consommation à éviter d'acheter de seconde main. Le magazine préconisait déjà d'éviter les matelas, à la fois parce qu'une literie déjà utilisée peut être altérée et mauvaise pour le confort, mais aussi parce que la question de l'hygiène reste toujours difficile à vérifier avec ce type de bien.
"Celui qui doit acheter sa literie de seconde main parce qu'il n'a pas le choix, parce que c'est un objet essentiel très cher, le fera dans tous les cas", affirme Jeanne. Bien que l'achat de seconde main puisse être motivé par diverses raisons, le facteur économique en demeure le principal moteur. Ainsi, une partie des consommateurs n'ont tout simplement pas la possibilité de renoncer à la seconde main, même s'ils le souhaitaient. "Quand tu as des moyens, tu peux te poser ces questions", argumente Jeanne, "mais il y a aussi des portions de la population qui n'ont pas d'autres choix, surtout dans le contexte d'inflation que nous connaissons aujourd'hui."
Des réflexes simples à adopter pour éviter l’infestation
Finalement, pour continuer à profiter des avantages de la seconde main en toute sérénité des gestes simples existent.
Lors d'achats en personne, il est essentiel d'inspecter attentivement l'article avant de l'acheter. Pour les vêtements, il ne faut pas oublier d'examiner les coutures. Pour les meubles, une attention particulière doit être dédiée aux parties moins visibles. Se munir d'une lampe torche ou d'une loupe peut faciliter l'inspection. Une fois au domicile, si l'article est en tissu, le laver immédiatement est une sécurité. Si le tissu est résistant, un lavage à 60 °C permet éliminer les nuisibles. Sinon, placer les textiles et les objets au congélateur pendant 72 heures est une alternative qui permet de se débarrasser des punaises potentielles.
L'ANSES recommande de limiter l'utilisation de produits chimiques ou de les réserver aux professionnels. "L'utilisation de produits chimiques peut entraîner des risques d'intoxication, renforcer la résistance des nuisibles aux insecticides, réduire leur efficacité, et, de manière générale, contribuer à la pollution de l'environnement", précise l'agence.
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