Benjamin Martinie, fondateur du média Hourrail !
© Tolt Productions
Inspirations

Benjamin Martinie (aka Tolt) : en mission pour réenchanter le voyage en train

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Youtubeur voyage, Benjamin Martinie a pris la décision il y a quatre ans de stopper net les trajets en avion. Le créateur de contenus – qui se nomme Tolt sur les réseaux sociaux, parcourt désormais le monde en train. A travers son compte instagram et le média Hourrail ! - qu’il a fondé en 2023, il partage ses aventures bas-carbone et propose plusieurs astuces pour celles et ceux qui souhaitent adopter cette nouvelle façon de voyager. Interview. 

Et si le voyage en train pouvait aussi rimer avec dépaysement et aventure ? Dans Voyager en train avec Hourrail !, publié en octobre dernier aux éditions Hachette Tourisme, le créateur de contenus Benjamin Martinie, alias Tolt, invite à découvrir 45 circuits en France mais aussi en Europe : de la laponie suédoise, en passant par la Croatie, à l’Andalousie. 

Avec ce guide, le vidéaste veut montrer que de "nouveaux imaginaires compatibles avec les limites planétaires" sont possibles, et même désirables. Entretien. 

"Voyager en train avec Hourrail !", aux éditions Hachette Tourisme.
© Hachette Tourisme

Après avoir sillonné le monde en avion en tant que youtubeur voyage, vous avez décidé en 2019 de ne plus prendre ce moyen de transport et de privilégier autant que possible le train. Pourquoi ce virage ? 

Même si cette décision peut sembler radicale, elle est le résultat d’un cheminement progressif. Je suis sensible à la crise environnementale depuis tout jeune. Je me souviens avoir été assez interloqué après avoir visionné Une vérité qui dérange, d’Al Gore. Quand j’ai commencé mon activité de youtubeur voyage il y a dix ans, cette prise de conscience s’est accélérée. J’ai essayé d’agir à mon échelle en réduisant notamment ma consommation de viande ou faisant attention au tri des déchets. Mais ces dernières années, on se rend compte que ces petits gestes ne vont pas suffire. Face à ce constat, et à une dissonance cognitive qui devenait trop pénible, j’ai donc fait le choix d’aller plus loin dans mon engagement et de ne plus prendre l’avion. 

Avez-vous identifié des difficultés particulières quand vous avez commencé à expérimenter le voyage en train ? 

Pas particulièrement. En Europe, nous sommes plutôt bien lotis par rapport au train. Il est possible de se déplacer dans énormément d’endroits. Côté prix, le train n’est pas si cher, contrairement à ce que l’on pourrait penser. Lorsque l’on fait un trajet de nuit, on économise par exemple une nuit à l’hôtel. Cela laisse aussi la possibilité de faire des étapes. Quand je suis partie en voyage en laponie suédoise avec ma famille, nous avons pu profiter d’une journée à Stockholm. Si nous avions pris l’avion, il aurait fallu prendre deux billets pour faire Paris-Stockholm, puis Stockholm-Abisko, ce qui n’aurait pas été nécessairement moins cher. 

En revanche, il faudrait améliorer les transits pour les trajets maritimes. Selon les compagnies de ferry, la qualité de service n’est pas toujours au rendez-vous. Il y a également souvent des retards. 

Pour aller plus loin : "Vacances écolo, mode d'emploi"

Ce guide est aussi une réponse au manque d’informations lorsqu’on prévoit d'organiser un voyage en train... 

En effet. Aujourd’hui, c’est un vrai casse-tête d’organiser un long voyage à travers l’Europe, et d’autant plus quand on change de continent. Les informations partagées sur les billetteries en ligne ne sont parfois pas fiables. S’il existait un acteur qui propose des billets tout en un, cela pourrait supprimer une barrière logistique.  

Benjamin Martinie, fondateur du média Hourrail !
© Tolt Productions

L’une des critiques fréquemment formulées est celle du temps de trajet, qui est parfois jugé trop long. Est-ce un réel frein selon vous ? 

Je ne le vois pas comme un frein, mais plutôt comme quelque chose de désirable. Ce temps permet de dormir, de travailler, de passer du temps avec ses amis ou encore de faire des étapes pour découvrir de nouveaux endroits en chemin. Le train invite à revoir nos façons de voyager mais aussi à repenser les imaginaires du voyage.

Encore aujourd’hui, ils sont structurés autour de l’avion. Sur les profils de leurs réseaux sociaux, les influenceurs voyage utilisent par exemple l’émoji avion pour indiquer leur activité. Or, il y a plein d’autres manières d'explorer le monde. On peut partir en vélo, en randonnée, à la voile...Il faut rappeler que l’immense majorité de la population mondiale voyage autrement qu’en avion. De même, deux tiers des Français ne prennent pas ce moyen de transport tous les ans. L'avion a pris une place centrale dans nos imaginaires alors que son usage reste minoritaire. 

Comment expliquez-vous ce décalage ? 

Nous avons été bercés dans un monde où l’avion a été présenté uniquement comme quelque chose de désirable. Il est vrai que cela relève presque de la magie de pouvoir traverser un océan en quelques heures. Mais à quel prix pour l’environnement ? Au-delà de l’aspect écologique, l’avion présente de nombreux inconvénients qui sont rarement soulignés. Il faut prendre un taxi pour aller dans un aéroport qui se situe en dehors de la ville, attendre, passer le checking...Tout cela génère beaucoup d'inconfort. 

Que conseilleriez-vous à celles et ceux qui souhaitent se lancer sur les rails ? 

Il faut se passer de nos apprentissages et de ces symboles du voyage. Il est important de ne pas attendre une expérience similaire à celle que l’on a pu connaître avec l'avion.  Il ne faut pas se focaliser seulement sur le temps de trajet mais aussi regarder d’autres critères comme le confort de pouvoir être assis, et de faire des activités différentes.  

Par ailleurs, à service à peu près égal, si on prend en compte les bagages, le transport pour aller à l’aéroport, le train est bien souvent plus compétitif en termes de prix, selon les périodes. Avec le média Hourrail !, nous allons diffuser une mini-série de podcasts autour de ce sujet épineux. Les épisodes seront disponibles sur les plateformes audios et sur YouTube d'ici février-mars. Nous allons donner la parole à des ONG, des transporteurs ou encore d’anciens politiques afin de pouvoir se forger un avis un peu plus solide sur cette question.